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les mêmes élémens de prospérité, sauf l’épouvantable Terre de Nuyts, entre le Golfe-Spencer et le Port-du-Roi-George, qui n’est qu’une plage sablonneuse et stérile. En particulier, dans la région septentrionale, on connaît déjà un grand nombre de rivières dont les vallées encore désertes peuvent être comparées aux plus riches pays intertropicaux. C’est la même exubérance de végétation, la même fertilité du sol, mais aussi sans doute le même climat malsain pour les Européens. On comprend que les émigrans se fixent plus volontiers au sud de l’Australie, où ils retrouvent, à peu de chose près, la température de leur pays natal.

On sait quel est l’aspect des côtes de l’Australie ; mais l’intérieur, quel est-il ? Après avoir franchi la ligne de faîte de la grande chaîne, on redescend sur les plateaux ; puis, peu à peu, le sol s’abaissant encore, on arrive à la région longtemps inconnue, au désert, que les premiers explorateurs nous ont peint sous des couleurs si sombres, et que les derniers ont traversé sans péril. Il n’y a plus là de rivières au cours régulier ; à peine rencontre-t-on des mares d’eau stagnante ou des lacs salés. Le sol est en général aride et recouvert d’une végétation chétive. Souvent on y distingue des bancs de galets, des dunes disposées en lignes parallèles et régulières, comme au bord de l’océan. Les plateaux pierreux occupent de grandes surfaces. Le grès surtout domine, notamment dans le bassin des lacs salés de l’Australie méridionale. Plus ou moins agrégé par un ciment calcaire, il présente toutes les variétés d’aspect depuis la roche dure jusqu’au sable fluide. Sous ce rapport, il y a une analogie frappante entre l’intérieur de l’Australie et les parties désertes de l’Afrique septentrionale. À quelle cause sont dues ces steppes couverts de pierres ou de sables ? Comment se fait-il que la couche de terre végétale, riche et épaisse près des montagnes, manque totalement en des régions voisines ? On a supposé d’abord que la surface de l’Australie est un ancien archipel, et que les parties dénudées sont celles qui sont émergées les dernières du fond de la mer. On a émis ensuite l’hypothèse que la masse du continent s’est soulevée tout d’une pièce à son niveau actuel, et que les eaux, surprises par ce grand cataclysme, ont, en s’écoulant vers les régions les plus basses, ruiné, raviné, ravagé tout ce qui se trouvait sur leur passage. Les déserts actuels marqueraient le chemin parcouru par les eaux à la suite de ce soulèvement. L’une et l’autre de ces hypothèses s’accorde assez mai avec les théories géologiques modernes. Que sont donc ces terrains stériles ? Sans doute des terrains de sédimens qui ont trop de cohésion et de dureté pour nourrir les plantes. Il leur manque la couche d’alluvions qui fait la richesse des vallées, et qui se forme de nos jours, sous nos yeux, sur le parcours