Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 52.djvu/872

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tribu des Bari, qui se contentèrent de les menacer à distance ; le 11, il ressentirent une secousse de tremblement de terre, le 14 rejoignirent le Nil, et le 15 arrivèrent sains et saufs à Gondokoro, entrepôt général du commerce de l’ivoire de ces contrées, et où se trouvent plusieurs comptoirs de négocians européens. Ce noyau de ville, appelé à recevoir un développement considérable et qui deviendra, il faut l’espérer, un foyer de lumière civilisatrice pour l’Afrique équatoriale, est situé sous le 4° 54’ de latitude nord et le 29° 20’ de longitude est. Le Nil y est navigable pour des vaisseaux marchands. Le capitaine Speke se rendit immédiatement sur le port pour y chercher ce Petherick qui avait été pour lui un sujet d’inquiétude depuis l’Uganda, et dont il craignait de lasser la patience en le faisant trop attendre à Gani ou plus haut encore. Il apprit que Petherick était resté, avec ses vaisseaux, parfaitement tranquille à Gondokoro, et qu’il se trouvait alors pour ses affaires à vingt lieues de là. Ce n’était donc pas à lui qu’il devait l’escorte de Mohamed, mais à un autre marchand du nom de Debono. Il se promenait sur la berge, lorsqu’à son indicible surprise il rencontra une de ses connaissances des Indes, M. Baker, avec lequel il avait fait des parties de chasse dans l’île de Ceylan. Celui-ci lui apprit que ses amis d’Angleterre étaient fort inquiets à son sujet, qu’ayant eu connaissance, par la voie de Zanzibar, de la défection d’une partie de sa caravane dans l’Ugogo, ils en avaient conclu qu’il ne pourrait jamais venir à bout de son entreprise, et que, s’il vivait encore, il se trouvait arrêté quelque part sur les bords du Nyanza-Victoria. Dans cette incertitude et avec l’espoir qu’il était encore temps de venir à son secours, il avait accepté la mission d’aller le chercher jusque sous l’équateur. Le capitaine Speke apprit aussi que trois dames hollandaises, la baronne A. van Capellan, Mme Tinne et sa fille, étaient venues le chercher sur un paquebot qu’elles avaient frété tout exprès, et qu’elles seraient encore à Gondokoro, si la fièvre ne les avait forcées de redescendre à Khartoum. Le profond intérêt qu’il avait inspiré non-seulement à ses compatriotes, mais à des étrangères, fut pour lui une bien douce récompense, et lui fit oublier dans ce moment les fatigues et les périls de son long voyage. Ce fut aussi à Gondokoro qu’il apprit la guerre d’Amérique, la mort du prince Albert, et qu’il reçut pour la première fois depuis son départ de Zanzibar des lettres d’Angleterre. Après un repos de huit jours, les voyageurs descendirent à Khartoum, et de là au Caire et à Alexandrie. Ils arrivèrent enfin sains et saufs dans leur patrie après une absence de trois ans et deux mois.

C’est au Caire que le capitaine Speke se sépara des dix-huit wanguana qui lui étaient restés fidèles. Munis de leurs photographies en guise de passeports, ils sont rentrés par Aden et l’île Maurice