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MAURICE DE SAXE

III.
DERNIÈRES AVENTURES ET LOISIRS D’UN DUC DÉTRÔNÉ.


I.

Le XVIIIe siècle n’est pas seulement le siècle des aventures dans le royaume de l’esprit ; que d’aventures aussi dans le domaine des faits ! Ce n’est pas en vain que cette vive époque a été inaugurée par Charles XII, et que ce chef des aventuriers de l’épée a eu pour historien le chef bien autrement hardi des aventuriers de la plume. Dans la révolution des finances, dans le bouleversement des fortunes, dans le mélange des classes sociales, on voit éclater un besoin de mouvement, une fièvre de tentatives nouvelles qui se reproduit au sein des régions supérieures. Les plus grands événemens tiennent à un fil. Le hasard est maître de la terre. C’est l’heure des conspirations gigantesques, conspirations qui pourraient changer la face du monde et qui finissent par la potence. Alberoni et le comte de Goertz s’entendent d’un bout de l’Europe à l’autre ; pour renouveler à leur façon le personnel des souverains. Ils réussiront peut-être, si le don Quichotte du Nord, comme l’appelle son panégyriste, vit encore deux ou trois ans ; une balle renverse Charles XII dans la tranchée d’une forteresse, et le comte de Goertz est pendu. La littérature, sans trop y penser, reproduit quelque chose des imbroglios de la politique. Les héros du roman et de la comédie se confondent avec les personnages de la vie réelle. Gil Blas, passant du