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sec, chacun voulut le voir. Le Suffren portait écrit sur ses flancs, en caractères lisibles pour tous les marins : « Il ne faut jamais désespérer. »

Ce fut un beau jour pour l’amiral Lalande que celui où il sauva le Suffren ; mais il allait avoir bientôt à se mesurer avec de plus graves difficultés. Nous étions au mois d’avril 1838. Il touchait à l’heure brillante de sa carrière. Dans cette période de renaissance que j’essaie de retracer, le rôle de l’amiral Lalande, plus sympathique qu’aucun autre, a été certainement un rôle à part. Il serait injuste cependant de vouloir le grandir aux dépens de ses émules. À côté de lui, nous rencontrons des chefs non moins autorisés, dont la marine a aussi gardé la mémoire. Je ne parle pas de l’amiral Hugon. Cette noble et sévère figure tient par trop de côtés à la marine de la république et de l’empire. Je ne parle pas non plus de la jeune et brillante influence qui s’efforçait déjà d’élever au-dessus de nos têtes le drapeau de l’avenir[1]. Les chefs qui ont achevé l’œuvre ébauchée de l’amiral Lalande appartenaient à la même génération que le commandant de la Résolue. L’amiral de La Susse nous a révélé ce que vaut la méthode, l’amiral Casy ce que peut l’enthousiasme. L’amiral Baudin nous a montré l’énergie passionnée qui entraîne, l’amiral de Parseval la suprême dignité qui subjugue. Ce qui me paraît distinguer l’amiral Lalande entre tous ces hommes si remarquables à des titres divers, ce sont les grandes perspectives que son esprit embrassait. L’amiral Lalande ne se contentait pas de commander son escadre ; il aspirait à constituer la force navale de la France.


E. JURIEN DE LA GRAVIÈRE.

  1. Voyez la Note de M. le prince de Joinville sur l’État des Forces navales de la France, dans la Revue du 15 mai 1844.