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l’idée de personne de les supprimer sans les remplacer. On comprend bien qu’en dépit de la surveillance la plus attentive il y a dans ces écoles un danger réel pour les mœurs, que l’entrée et la sortie, les absences pendant la durée de la classe, la classe elle-même, offrent mille occasions de désordre, que les précautions, dans une telle matière, sont pour ainsi dire aussi dommageables que l’absence de précautions, que le local est souvent trop étroit et mal disposé, surtout dans les 10,119 communes qui ne sont pas encore propriétaires de leurs maisons d’école. S’il n’y a pas de différences sérieuses dans l’instruction élémentaire pour les deux sexes, il y en a dans l’éducation, et il ne faut pas oublier que quand par malheur la mère est retenue à l’atelier depuis le matin jusqu’au soir, la fille ne reçoit d’autres leçons de décence et de morale que celles de l’instituteur. Cet instituteur peut être célibataire, et s’il dépend à la rigueur des conseils municipaux d’éviter cet inconvénient, l’instituteur peut être veuf. On a pensé à introduire dans les écoles mixtes une maîtresse de couture[1]. C’est bien, c’est un palliatif. On a aussi permis au conseil municipal de faire diriger l’école mixte par une institutrice quand il le jugerait à propos[2]. Il était bon de le permettre, parce qu’il est quelquefois bon d’user de la permission. Cela dépend des mœurs et des habitudes locales, du nombre des élèves, et surtout de l’habileté et de la fermeté de la maîtresse qu’on a sous la main. Sur 18,147 écoles mixtes, 15,407 sont tenues par des instituteurs, et 2,740 seulement par des institutrices. Cette disproportion est indiquée par la nature des choses, et la disette d’institutrices munies de brevets la rendra longtemps inévitable. La question se résume d’un mot ; une fille introduite dans une école de garçons y est bien instruite, mais elle y est mal élevée.

Plusieurs personnes voudraient supprimer à l’instant, par un article de loi ou de règlement, toutes les écoles mixtes. Nous ne saurions admettre qu’on procède ainsi en matière d’instruction. Nous ne sommes pas de ceux qui pensent qu’il vaut mieux n’avoir pas d’école que d’en avoir une mauvaise. Le premier de tous les malheurs assurément, c’est de n’avoir pas d’écoles. Il ne faut jamais supprimer que ce qu’on remplace. Si l’on est en mesure de créer en un clin d’œil 18,147 écoles de filles, il faut sans perdre une minute proscrire toutes les écoles mixtes ; sinon, non. Vainement soutiendrait-on que nos écoles mixtes ne font qu’entretenir le mal en le palliant, et que si on les supprimait, la nécessité urgente d’instruire

  1. Voyez l’article 48 de la loi de 1850.
  2. Règlement du 31 décembre 1853, art. 9.