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n’ayant pas la même foi, redoutent comme une cause de perturbation pour la famille la différence profonde des doctrines du mari et des croyances de la femme.

Il est vrai que l’éducation religieuse est donnée aussi dans les écoles laïques. La loi en fait même un devoir à tous les instituteurs, et particulièrement aux instituteurs publics ; mais qu’est-ce que la loi ? C’est l’expression de la volonté commune. La loi est stable jusqu’au moment où on la remplace ; la volonté commune est mobile comme l’onde ou comme la nature humaine. S’ensuit-il un désaccord, au moins momentané, entre la légalité et les mœurs ? Oui et non. Le désaccord existe ; il est plus apparent que réel, car il n’y a de loi obéie que celle qui est voulue. Ainsi par exemple la loi ordonne d’enseigner la religion. Soit, on l’enseigne, voilà la loi satisfaite ; mais comment ? C’est ici que les mœurs prennent leur revanche. Partie des maîtres ne croient pas ; parmi ceux qui croient, beaucoup ne comprennent pas. Ils n’enseignent que des lèvres, peine perdue : la foi seule peut engendrer la foi ; c’est un privilège éternellement refusé au scepticisme. Ce n’est rien encore. La loi, dans un pays de liberté religieuse, ne peut préférer aucune religion elle est obligée de s’en rapporter aux familles. Tout est permis en effet aux pères de famille, excepté l’athéisme. Ils ont le droit de choisir entre toutes les religions, à la seule condition d’en avoir une. Il peut donc arriver et il arrive qu’on éteigne deux cultes différens dans la même école. Ce n’est pas certes le même maître, et ce n’est pas non plus le même auditoire ; cependant chaque enfant sait bien qu’à côté de lui on enseigne une doctrine différente, et une doctrine d’autorité, car, si c’était une doctrine de démonstration, il n’y aurait que demi-mal, ou plutôt il n’y aurait pas de mal du tout, le propre de la liberté étant de discuter, comme le propre de l’autorité est d’imposer. Chacun aurait ses raisons, qui lui paraîtraient démonstratives ; mais non, il s’agit tout amplement de la parole de Dieu : c’est au nom de Dieu, de la société et de la famille qu’on enseigne à la fois deux religions qui s’excluent. Pour comprendre que cette contradiction dans les conséquences d’un même principe condamne le principe lui-même, est-il nécessaire d’avoir l’esprit très formé ? Point, cette logique est de tous les âges. Quelle différence de cette école éclectique avec le couvent, où tout est autorité, où l’autorité conclut toujours de la même façon, où tout parle, jusqu’aux murailles, jusqu’à l’habit porté par le maître et aux vœux mêmes qu’il a faits, qui sont éternels et qui semblent mêler un reflet d’éternité à tout ce qu’il fait et à tout ce qu’il dit ! Ou l’éducation n’est rien, ou les âmes ne sortent