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de revenus, et qui, dans les premiers jours de la révolution, se croyait dépouillé quand on lui donnait, pour tenir la place de ses biens, un budget de 134 millions[1]. La restauration, comme on sait, n’avait pas pris les mesures les plus efficaces pour effacer ces souvenirs, et aujourd’hui même nous voyons que le moindre incident les ravive. Plus d’un citoyen, se croyant fort bon libéral, n’hésiterait pas à proscrire la religion, s’il en était le maître, comme l’ont fait les libéraux de 1793, et parmi ceux qui entendent la liberté d’une manière moins dictatoriale, beaucoup voudraient au moins exclure le clergé et les congrégations de l’enseignement. Cela ne ferait pas le compte des vrais libéraux, défenseurs naturels de la liberté de conscience, de la liberté d’association et de la liberté d’enseignement ; mais, s’il ne faut pas d’exception contre le clergé, il n’en faut pas non plus pour lui. Il se compromet en acceptant un véritable privilège. Il compromet ses écoles, bien plus, il compromet jusqu’à la liberté elle-même. Il est cependant bien visible que la protection de l’autorité, qui a fait pendant longtemps la force de la religion, est devenue pour elle, par le progrès des idées, une cause de faiblesse. La seule égide des églises, leur égide inviolable, est désormais le principe de la liberté de conscience, qui implique l’égalité absolue devant la loi.

On s’est demandé si l’on pouvait exiger des religieuses le brevet de capacité sans diminuer immédiatement le nombre des écoles de filles. Il est certain que si les 12,335 religieuses qui n’ont que des lettres d’obédience étaient réduites à se retirer devant le règlement qui les soumettrait à la loi commune de l’examen, on ne trouverait pas d’institutrices laïques pour les remplacer dans les conditions actuelles ; mais peut-on rien dire de plus fort contre ces douze mille écoles ? Sait-on ce que c’est que ce certificat de capacité qu’on n’ose pas exiger des religieuses ? Qu’on prenne la loi de 1850. L’article 46 décide expressément que « l’examen ne portera que sur les matières comprises dans la première partie de l’article 23. » Voici cette première partie de l’article 23 : « l’enseignement primaire comprend l’instruction morale et religieuse, la lecture, l’écriture, les élémens de la langue française, le calcul et le système légal des poids et mesures. » C’est là tout, absolument tout. On se demande ce qui dans

  1. M. Charles Jourdain (le Budget des cultes en France depuis le concordat de 1801 jusqu’à nos jours, Paris 1859) estime à 70 millions le revenu net des possessions territoriales du clergé au moment de la révolution, et à 80 millions le produit de la dîme : total 150 millions. — Page 2. Ce sont les chiffres présentés par l’évêque d’Autun dans la séance du 10 octobre 1789. En 1790, dans son rapport au comité des finances, Chasset évalue à 200 millions les revenus des biens du clergé.