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élevé par les mains d’un seul homme, et l’on ne peut s’étonner que celui qui avait su pénétrer si profondément les mystères de la grandeur absolue ait regardé le nombre comme quelque chose de supérieur, de mystique et presque de divin. Il ne convient pas d’entrer ici dans le détail de l’arithmétique pythagoricienne : on voudrait seulement faire bien comprendre comment, dans l’œuvre du grand philosophe, la géométrie et l’arithmétique se montrent toujours réunies, comment elles s’éclairent mutuellement et se fécondent. Pythagore vit le nombre dans sa pureté abstraite, mais son génie grec lui permit de découvrir l’expression géométrique et pour ainsi dire corporelle des propriétés numériques. C’est là le côté admirable et vraiment original de son œuvre ; sans lui, la théorie des nombres fût demeurée stérile et perdue dans les rêveries cosmogoniques des disciples de Zoroastre.

Sans chercher à diminuer la part de reconnaissance due au philosophe grec, il faut néanmoins rendre justice à cette science asiatique, où il put puiser à pleines mains pendant son séjour dans la vallée de l’Euphrate. Que Pythagore ait tiré de son propre fonds tout ce qui constitua plus tard son enseignement, on ne peut raisonnablement l’admettre, et d’ailleurs la critique fournit la preuve convaincante que certaines idées importées par Pythagore en Grèce ont été répandues aussi dans la Chine. S’il s’agissait uniquement de théorèmes mathématiques, on pourrait concevoir que le raisonnement ait pu y conduire en même temps dans des lieux différens, mais la preuve est rendue plus parfaite, plus complète par cette circonstance, qu’il s’agit de considérations bizarres qui sont comme l’alliage impur de la doctrine pythagoricienne, et qu’on retrouve pourtant aussi dans certains ouvrages chinois.

Parmi leurs spécifications sur les vertus des nombres, les pythagoriciens furent conduits à considérer le nombre 36 comme le symbole du monde. Si l’on prend la somme des quatre premiers nombres pairs et des quatre premiers nombres impairs, on obtient la somme 36 ; mais les quatre premiers nombres pairs représentent les quatre élémens terrestres ou impurs, les quatre premiers nombres impairs figurent les quatre élémens purs ou célestes. On attribua donc de grandes vertus au nombre 36. Plus tard, Platon détrôna ce nombre au profit du nombre 40, en supprimant 5 dans la série des nombres impairs et en remplaçant la série 1, 3, 5, 7 par 1, 3, 7, 9. Le nombre 5 était mis à part comme le premier principe, le nous, l’intelligence suprême et divine. N’est-il pas surprenant que les Chinois considèrent Fo-hi comme l’inventeur du premier système, et que Vou-vang, père de l’empereur Vou-yang, qui régna vers 1120 avant Jésus-Christ, se soit donné comme l’inventeur du second ? Ne