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nommé Démocède, qui avait obtenu toute la confiance du puissant monarque. Celui-ci le chargea du commandement d’une expédition qui devait reconnaître les côtes de la Grèce ; mais Démocède viola ses instructions, débarqua à Tarente, et abandonna les Perses placés sous son commandement. Ceux-ci quittèrent les rivages de l’Italie méridionale, firent naufrage, furent recueillis et vendus à un certain Gillos de Tarente. La réputation de Pythagorë était déjà bien grande, puisque Gillos renvoya ses esclaves persans à Darius, à la condition que le roi fendrait son prisonnier grec à la liberté. Le grand philosophe revint dans son pays, après une si longue absence, à l’âge de cinquante-six ans, et il eut encore le temps de fermer les yeux à son premier maître Phérécide. Il voyagea pendant un an dans toutes les parties de la Grèce pour revoir les lieux d’où il avait été si longtemps éloigné. C’est seulement après ce voyage qu’il ouvrit sa célèbre école.

Ici finit la partie romanesque de la vie de Pythagore, la partie que la critique allemande a essayé de restituer. Revenu en Grèce, le célèbre philosophe s’établit d’abord à Crotone ; il y trouvait une école de médecine en renom, des savans distingués, un public intelligent et cultivé, un état politique qui n’était ni le despotisme des tyrans, ni la domination brutale du parti démagogique, ni la corruption de Sybaris. Il s’appliqua d’abord à réformer les mœurs, et parla aux cœurs avant de parler aux esprits ; son éloquence persuasive gagna du premier coup les jeunes gens et les femmes ; il traça ensuite les cadres de l’école et sépara son enseignement public de l’enseignement privé. Il n’admit au dernier que des disciples favoris, et les initia dans le secret à l’ensemble de sa doctrine, qui embrassait depuis les mathématiques pures jusqu’à la philosophie. Encore imbu des préjugés de l’Égypte et de l’Asie, il ne croyait pas la science faite pour le vulgaire, il ne parlait à celui-ci que de morale, il ne lui offrait que les maximes d’une philosophie générale et pratique. À ceux qui jouissaient de toute sa confiance et qu’il avait éprouvés, il révélait les secrets de cette métaphysique qui embrassait dans une ambitieuse synthèse toutes les choses de l’esprit et celles de la matière. Le caractère exclusif de son enseignement et la hauteur même de sa doctrine durent nécessairement lui faire des ennemis : pendant les tristes agitations qui furent le contre-coup des guerres de la Perse et de la Grèce, la paix de l’école fut troublée. Pythagore était regardé comme un aristocrate par les chefs du parti démocratique, et subit leurs persécutions envieuses et brutales. Il fut exilé de Crotone et se réfugia d’abord à Tarente, puis à Métaponte ; mais il ne trouva nulle part le repos. Ses dernières années furent sans cesse troublées, et le noble vieillard