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RIMES DE VOYAGE

LA VEILLE de DÉPART[1]


Que l’heure des adieux est une triste chose !
Nous étions tous pensifs… L’enfant, prenant la rose
Qui reposait vermeille à côté de son cœur,
En rêvant inclina ses lèvres sur la fleur.

Et la rose, cédant à cette haleine pure,
Lentement dépouilla sa divine parure,
Et chaque feuille d’or, résistant faiblement,
Une à une tomba du calice embaumant.

L’une ici, l’autre là, toutes à la volée
Prirent à travers l’air une route isolée,
Et, jetant leurs parfums comme un dernier soupir,
À nos pieds inquiets toutes vinrent mourir.

Pauvres feuilles ! Et nous, une fortune amère
Allait nous disperser comme elles sur la terre ;
Chacun de nous peut-être, en se quittant ce soir,
Devait-il s’éloigner pour ne plus se revoir.

  1. C’est au retour du voyage dont ces notes poétiques racontent les impressions que M. Auguste Barbier acheva d’écrire il Pianto. Bien des inspirations qui n’avaient pu trouver place dans le cadre du poème méritaient d’être recueillies, car elles expliquent des pages dont on n’a pas perdu le souvenir, et y ajoutent quelques accens intimes et familiers.