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yeux du public, une solidarité qui ne fut avantageuse ni à l’une ni à l’autre. C’est une opinion générale que la royauté de Charles X a souffert de la faveur qu’elle témoignait au clergé, et le clergé de l’appui qu’il prêtait à la royauté. Il s’en faut cependant que l’influence cléricale (je parle le langage des partis) ait été, entre 1814 et 1830, ce qu’elle est devenue depuis. Ceux qui ont vécu à cette époque savent combien elle s’est accrue depuis lors, favorisée par les mœurs et les idées. Sous la restauration, le langage de la couronne, celui des dépositaires de son autorité, était tout autrement fier en face de l’église qu’on ne le suppose aujourd’hui. Quel prince parlerait comme Louis XVIII de ces libertés de l’église gallicane, précieux héritage de nos pères, dont saint Louis et tous ses successeurs se sont montrés aussi jaloux que du bonheur même de leurs sujets ? Il subsistait de l’ancien régime une vieille défiance, une résistance générale aux empiétemens du clergé. Presque tous les fonctionnaires de cette pieuse restauration étaient des indifférens en matière de religion, souvent même quelque chose de plus, et l’opinion, sans cesse mise en garde, soit par les avertissemens du jansénisme, soit par ceux de la philosophie, surveillait avec inquiétude les moindres mouvemens de la renaissance jésuitique, qui date de là. C’était le temps où le passage d’un capucin dans une rue de Marseille mettait toute la France en rumeur. Les choses ont bien changé depuis. En même temps que l’unité ultramontaine a fait des progrès tels qu’on aperçoit à peine les vestiges des anciennes nationalités chrétiennes, l’église s’est animée en se concentrant. Plus active, plus habile, plus confiante, elle s’est ressaisie d’une bonne part de son autorité morale, et grâce à cette combinaison de foi véritable et de préjugés politiques qu’on nomme la réaction religieuse, la face, ou, si l’on veut, la surface de la société n’est plus la même. Entre 1848 et 1857, un rapprochement fondé sur une coïncidence d’intérêts a plus étroitement uni les deux puissances, et tous les anneaux de la chaîne qui les a liées ne sont pas brisés. L’empereur est bien puissant, on ne sait s’il pourrait tenter contre le mouvement clérical ce qu’a fait Charles X en 1828, et personne ne le lui conseillerait. Ce nouvel état des choses et des esprits a certainement de très bons côtés, et l’on aimerait à n’en voir que le bien, en fermant les yeux sur des misères, si le parti catholique avait généralement une meilleure politique, c’est-à-dire s’il unissait mieux au respect des choses saintes le respect de la liberté de tous, à l’intelligence de l’esprit du moyen âge la pleine intelligence de l’esprit moderne.

C’est en considérant cette nouvelle situation religieuse qu’il faut peser les idées de M. de Pressensé. Quant à lui, il n’hésite pas, et c’est à la vue du présent qu’il demande la rupture de tout pacte