Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 53.djvu/161

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un acte si légitime de la liberté de conscience. On me pardonnera ce souvenir : tous ceux que laisse l’exercice du pouvoir n’ont pas autant de prix. Depuis lors, d’autres chapelles indépendantes se sont établies, quoique les autorités locales, surtout dans les années qui ont suivi 1852, ne se soient pas constamment montrées fort touchées des droits de la conscience religieuse. Cependant l’exemple donné à Paris commence à être généralement suivi. On peut compter, en dehors des églises concordataires, jusqu’à neuf communions différentes qui possèdent en France des chapelles spéciales. La plus importante, l’Union des églises libres évangéliques, en a cinq ou six à Paris, et une de ses branches a pris pour maxime fondamentale l’absolue séparation de l’église et de l’état. On doit reconnaître en effet que pour plusieurs des autres associations libres cette séparation n’est qu’un fait, une nécessité de circonstance à laquelle elles souscrivent sans répugnance ; mais elles n’en font pas un principe, et à mesure qu’un changement dans les doctrines et les sentimens des consistoires en ouvre l’enceinte à des pasteurs animés de l’esprit du réveil, ceux-ci ne font aucune difficulté de prendre place parmi les ministres du culte salarié. Les églises constituées, en devenant plus ferventes, ont effacé bien des dissidences, heureuses si avec un surcroît de zèle elles ne contractent pas cet esprit d’exclusion qui s’empare trop souvent de tout ce qui représente, à un degré quelconque, le principe de l’autorité.

Le désir de former des congrégations séparées, ou, comme on dit, le système volontaire n’est donc ni très puissant ni très général même au sein du protestantisme, là où la liberté pratique est plus qu’ailleurs en accord avec l’origine de la foi. On aime mieux s’y disputer le pouvoir ou l’influence dans l’enceinte des églises établies ; mais certaines âmes sont restées constamment fidèles à la pure doctrine de l’indépendance religieuse telle qu’elle semble résulter des idées mêmes et des sentimens du réveil, telle qu’elle ressort de l’enseignement de celui en qui se personnifie, avec le plus d’élévation, d’éclat, de pureté et de sagesse le protestantisme français du XIXe siècle. Les écoles les plus distinguées qu’il ait produites parmi nous ont en effet pour père Alexandre Vinet. Entre les deux tendances qui les divisent se place un de ses meilleurs disciples, M. de Pressensé, qui unit à des sentimens vivement chrétiens la liberté contenue de la critique savante enseignée par Neander. L’église à laquelle il appartient nous paraît l’exemple le plus intéressant de l’application du principe volontaire. Ce n’est pas une expérience facile à faire réussir dans un pays où ni les idées de l’administration ni celles du public ne sont favorables à l’esprit de séparatisme, encore moins à l’esprit d’individualisme. La branche