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âmes compatissantes, remarque ailleurs Waterton, de savoir que la victime n’a pas souffert, car le wourali détruit doucement la vie. »

Ainsi toutes les descriptions nous offrent un tableau doux et tranquille de la mort par le curare. Un simple sommeil paraît être la transition de la vie à la mort. Cependant il n’en est rien ; l’apparence extérieure est trompeuse. Cette étude sera donc propre à montrer combien nous pouvons être dans l’erreur relativement à l’interprétation des phénomènes naturels, tant que la science ne nous en a pas appris la cause et dévoilé le mécanisme. Si en effet, abordant maintenant la partie essentielle de notre sujet, nous entrons, au moyen de l’expérimentation, dans l’analyse organique de l’extinction vitale, nous verrons que cette mort, qui nous paraît survenir d’une manière si calme et si exempte de douleur, est au contraire accompagnée des souffrances les plus atroces que l’imagination de l’homme puisse concevoir.


III.

Le corps d’un animal vivant est un assemblage admirable de particules, qui sont d’autant plus délicates et plus variées dans leurs propriétés physiologiques, que l’être occupe un rang plus élevé dans l’échelle de l’organisation. Or il importe, pour la clarté de notre sujet, que nous descendions un instant dans cette machine vivante qui va devenir le théâtre des actions délétères que nous nous proposons de définir et d’expliquer.

Les manifestations vitales que nous apercevons au dehors ont une cause intérieure, cachée à nos regards. Elles ne sont toutes que des résultantes de l’action réciproque et simultanée d’un grand nombre de particules organiques élémentaires, de même que dans la nature brute les phénomènes ne sont aussi que des résultantes complexes des propriétés des corps simples inorganiques. C’est donc dans les élémens organiques, c’est-à-dire dans les parties les plus déliées de l’organisme, que siégent les conditions intimes de la vie et de la mort. Le poison n’envahit jamais l’organisme d’emblée et dans sa totalité ; mais il porte son action toxique et paralysante sur un élément organique essentiel à la vie. Ensuite il amène la dislocation de l’édifice vital par un mécanisme qui variera en raison de l’élément primitivement atteint, de la nature et de l’importance de ses rapports physiologiques avec l’ensemble des phénomènes de la vie.

La chimie connaît aujourd’hui soixante-dix corps simples environ, dont seize seulement entrent dans la composition de l’organisme vivant le plus compliqué, qui est celui de l’homme ; mais ce n’est