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trouverons d’ailleurs comme personnages principaux ou secondaires dans le cours de ces récits. Toutes n’avaient pas la même manière de vivre, le même caractère, la même condition domestique. Il s’en trouvait de veuves et de mariées, de mondaines et de sérieusement dévotes ; les unes avaient des maris chrétiens et une famille chrétienne ; les autres avaient épousé des païens, et, presque isolées au milieu de leurs proches, cherchaient au dehors un appui pour leurs enfans et pour elles-mêmes. En effet, les mariages mixtes n’étaient pas rares au IVe siècle, et les unions se fondaient beaucoup plus fréquemment sur les convenances de race ou de fortune que sur la sympathie des croyances ou la similitude des cultes.

La première en estime et en autorité dans le conventicule du mont Aventin était une veuve déjà avancée en âge, Asella, dont nous ignorons la famille. Elle aussi avait rompu avec sa parenté, vendu ses parures en cachette ; elle vivait pauvrement et partageait avec les indigens le peu de biens qui lui restaient ; mais ses vertus, sa douceur, son inépuisable charité, en avaient fait un objet de respect pour les polythéistes eux-mêmes. Venait ensuite Furia, qui apportait au sein de l’humilité chrétienne les plus hautes prétentions aristocratiques : veuve comme Asella et comme elle d’une vie austère, elle présentait un des plus frappans exemples de ce bouleversement des idées qui faisait de la petite-fille de Camille une servante du Dieu crucifié. Fabiola, son égale en noblesse, puisqu’elle se recommandait du nom de Q. Maximus, comme l’autre du nom de Camille, ne l’égalait guère en austérité. Ardente dans ses passions (et la dévotion en était une), Fabiola, encore très jeune, avait incessamment passé de Dieu au monde et du monde à Dieu. Pour le moment elle avait deux maris vivans ; mais, dégoûtée du dernier, elle commençait à se demander si la bigamie (c’est ainsi qu’on appelait les secondes noces) n’était pas un péché plus grand que la rupture d’un premier mariage, et nous la verrons, faire à ce sujet près d’un des grands docteurs de l’église une consultation tant soit peu insidieuse. Je me hâte de dire que Fabiola racheta par le repentir les légèretés de sa jeunesse, et que son immense charité la fit inscrire, non sans hésitation pourtant, sur le catalogue des saintes du IVe siècle. Nous ne savons rien de Marcellina et de Félicité, deux autres sœurs du conventicule, sinon qu’elles étaient dignes des meilleures ; mais toutes les gloires de la beauté et de la fortune se réunissaient sur Paula et sur ses deux filles, Blésilla et Eustochium, qui pouvaient suspendre avec orgueil dans l’atrium de leur demeure les images de Paul-Emile et d’Agamemnon, car on ne contestait pas à Paula la prétention de descendre par sa mère de la femme de Paul-Émile, entré par adoption dans la famille des Scipions,