Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 53.djvu/251

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du pouvoir, l’homme d’état qui, comme M. le duc de Persigny, s’inquiète du sens philosophique des traditions et des expressions politiques ne reconnaît-il pas dans le régime administratif une suite de cette prérogative du pouvoir arbitraire qui portait avant 1789 d’autres noms et d’autres emblèmes ? Il n’y a que les journaux aujourd’hui qui puissent craindre la lettre de cachet, frappant la chose et non directement la personne, soit ; mais n’est-ce pas trop encore ? C’est un état de choses transitoire, nous crie M. de Persigny ; mais qu’est-ce qu’une transition dont on ne veut pas nous indiquer le terme ? — Vous êtes dans une époque viciée, répond M. de Persigny ; vous êtes passés par de trop longues révolutions ; les classes mêlées aux affaires publiques y ont perdu le sens politique ; elles ont vu trop de changemens, elles ont trop crié tour à tour vive le roi et vive la ligue ; elles doutent trop de l’avenir de tout gouvernement ; on les surprend, à chaque émotion publique, tendant la main dans l’ombre aux ennemis de l’état. — Il y a dans cette fin de non-recevoir une défiance que nous trouvons injuste pour ceux qui ont placé les questions de principes au-dessus des questions de personnes, et à qui on ne peut pas reprocher d’avoir eu deux devises dans leur vie, une défiance que nous trouvons surtout peu flatteuse pour ceux qui, après avoir crié vive le roi et vive la république, ont crié vive l’empereur ! — M. de Persigny, impatienté, nous congédie par ces mots : « Pour que la liberté de la presse soit un bienfait réel, il faut que dans un pays nouvellement constitué une nouvelle génération politique, jeune, vigoureuse et indépendante, soit venue remplacer les âmes énervées par les révolutions. » Ne sommes-nous donc pas à seize ans de distance de 1848, à treize ans de 1851 ? Et quelle idée M. de Persigny a-t-il donc des jeunes générations qui se sont formées dans une aussi longue période ? Manquent-elles de vigueur et d’indépendance, ou bien M. de Persigny a-t-il prononcé contre elles l’inexorable arrêt de la fatalité antique : Delicta majorum immeritus lues ?

En somme, au lieu d’entamer avec M. de Persigny un débat inutile et que l’on ne pourrait soutenir avec ses coudées franches qu’en recourant à la liberté réservée aux volumes de vingt feuilles, il vaut mieux se borner à prendre acte des tendances réactionnaires que révèle sa manifestation oratoire. Dans ces derniers temps, une opinion s’était formée, même dans les régions officielles, qui donnait à espérer que les ministres ne tarderaient point à paraître devant les chambres pour y soutenir directement leurs projets de loi. On s’est aperçu depuis longtemps à la pratique que le système qui confie la défense des projets de loi à des intermédiaires n’est point le plus conforme à la nature des choses. On commençait à être généralement d’avis que la présence et l’action directe des ministres dans le corps législatif seraient plus utiles à la bonne expédition des affaires. Quelques-uns pensaient que la prochaine session du corps législatif verrait l’accomplissement de ce progrès. Nous avons à diverses reprises mentionné les