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se défendre de présager un avenir glorieux et libre à une nation qui, malgré tant de calamités et de persécutions, a su conserver intact le sentiment de la patrie, et une année plus tard (4 avril 1862), au moment même où le système de répression à Varsovie prenait des formes de plus en plus décidées et violentes, lord Palmerston rappelait ingénieusement la fable du voyageur et de son manteau : « Plus l’âpre vent du nord soufflait avec violence pour lui enlever ce vêtement, plus le voyageur le serrait autour de lui et s’efforçait de le retenir. » Tel aussi paraissait au noble vicomte le Polonais avec son « indomptable, inextinguible, inépuisable amour de son pays ; » mais en même temps lord Palmerston se hâtait de prémunir le « voyageur » contre les dangereuses illusions et les périls d’une marche trop précipitée. Il prenait soin de lui rappeler qu’à une autre époque déjà, au temps de Napoléon Ier, il avait eu tort de compter « qu’un rayon de soleil » allait tomber sur lui et venir à son aide ; « il ne convint pas à cette époque à la politique de la France de rétablir la Pologne. » Enfin le chef du cabinet britannique déclarait solennellement que dans tous les cas ce n’est pas l’Angleterre qui entreprendrait de lutter contre le vent. Du reste, tous ces discours, plus ou moins chaleureux, étaient plutôt à l’adresse de l’Angleterre et de la France que de la Russie, et lord Palmerston ne songea nullement à les appuyer par voie diplomatique, en rappelant par exemple au cabinet russe les stipulations des traités, ne fût-ce même que les engagemens pris au congrès de Paris par le comte Orlov. Quant à l’ambassadeur de sa majesté britannique près la cour de Saint-Pétersbourg, lord Napier, il disait à qui voulait l’entendre que les affaires polonaises l’ennuyaient.

Moins bruyante à coup sûr et d’une impassibilité très étudiée même, mais au fond beaucoup plus significative, fut, pendant tout ce temps, l’attitude du gouvernement autrichien. L’agitation polonaise, on se le rappelle, avait eu son point de départ dans cette entrevue même de Varsovie, où l’empereur François-Joseph avait vainement essayé d’amener le tsar à une conformité de sentimens et de projets pour l’avenir : il était dès lors tout naturel qu’on vît à Vienne sans trop de déplaisir les événemens justifier si vite les raisons et les appréhensions qu’on avait fait valoir sans succès auprès de l’empereur Alexandre à Varsovie, et la Russie éprouver à son tour, à ses dépens, les inconvéniens de ce principe des nationalités qu’elle avait, sans trop de conteste, laissé triompher au-delà des Alpes. C’est ce que ne manquèrent pas en effet de relever les organes plus ou moins accrédités du gouvernement autrichien, et la parabole de la paille et de la poutre se trouva alors complaisamment citée par des personnages haut placés qui du reste