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pas, là où une telle argumentation pouvait avoir de l’effet, de dénoncer leurs tendances aristocratiques et cléricales… « Le gouvernement de l’empereur, ajoutait encore M. Billault, est trop sensé, il est trop jaloux de sa dignité et de celle de la France, pour laisser répéter pendant quinze ans, dans une adresse, des paroles inutiles et des protestations vaines. » Sans vouloir discuter la justesse de cette censure infligée aux votes de la France parlementaire, il sera cependant permis de faire remarquer qu’elle contenait, dans tous les cas, l’engagement implicite que les paroles ne seraient plus désormais inutiles ni les protestations vaines, si la France était jamais amenée de nouveau à parler et à protester !… Il est vrai qu’on était loin alors de prévoir une éventualité si embarrassante, et qu’on espérait bientôt se trouver en face d’un fait accompli qui rendrait les récriminations superflues. Contrairement toutefois aux prévisions des ennemis aussi bien que des amis de la Pologne, l’insurrection tardait à disparaître ; elle prenait même de jour en jour des proportions plus grandes. C’est que la malheureuse nation était trop désespérée et sa jeunesse, ces outlaws de la conscription, trop ardente et trop vaillante ; c’est que le gouvernement russe ne revenait nullement sur ses pas, n’essayait rien pour gagner le parti modéré et ne faisait que le pousser malgré lui dans les bras de la résistance par ses dédains et par ses barbaries[1] ; c’est, enfin, que les autorités autrichiennes en Galicie, devenues tout à coup indolentes et oubliant sans doute des instructions précises, ne gardaient pas trop sévèrement les frontières et n’empêchaient pas toujours les envois d’armes, de munitions et de volontaires d’arriver au camp de

  1. « Quoique ce fût peut-être trop de dire, — écrit l’agent anglais de Varsovie le 4 mars, — que le gouvernement désire pousser le parti modéré à une opposition active, cependant aucun effort n’a été fait pour gagner son appui, et pas la moindre proposition n’a été adressée à aucun membre éminent de ce parti… » Quelques jours plus tard (11 mars), le colonel Stanton mande : a Tous les membres indépendant du conseil d’état de ce royaume présens à Varsovie ont donné leur démission. Cette démarche de la part des nobles et des gentlemen, qui n’ont accepté la nomination au conseil qu’après beaucoup d’insistance et contre leurs propres inclinations, mais dans l’espoir de pouvoir être utiles à leur patrie en faisant adhésion au gouvernement, ne peut pas étonner aujourd’hui, ces messieurs n’ayant jamais été consultés depuis l’explosion du mouvement, ni en conseil, ni individuellement, sur les mesures pour restaurer la tranquillité, mais au contraire ayant été traités par le gouvernement presque avec une indifférence étudiée… »