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quelque importance ne s’est encore manifesté dans le grand-duché (de Posen) ; l’on croit que les chefs de l’insurrection ne veulent pas qu’aucun soulèvement ait lieu dans cette province ni en Galicie. » Ajoutons que les chefs de l’insurrection main tinrent cette sage politique jusqu’au bout et ne se départirent jamais de leur programme, où ils avaient déclaré ne vouloir faire la guerre qu’à la Russie seule. Sans doute il était loisible à M. de Bismark de prendre quelques mesures de précaution à Posen, de surveiller cette province, d’y réunir même trois corps d’armée, quoique un tel déploiement de forces eût déjà paru à M. de Rechberg a beaucoup trop considérable ; » le ministre prussien pouvait de plus se réserver de rendre à la Russie ces services discrets, rarement avoués, mais importans, et dont il n’a cessé en effet de la favoriser pendant toute la durée de la lutte et longtemps après que la convocation avait été déclarée lettre morte. De là cependant à un traité formel, dont on annonçait avec fracas la conclusion, tout en tenant secrets les points qu’il stipulait, la distance était trop grande pour ne pas laisser de place à des conjectures alarmantes. Sir Andrew Buchanan fut assez porté d’abord à ne voir dans la manœuvre de M. de Bismark qu’un expédient parlementaire. « Il n’est pas impossible, écrit-il le 14 février, que le principal objet du gouvernement soit de trouver un prétexte raisonnable pour augmenter les dépenses de l’armée en opposition au vote qui peut avoir lieu dans la chambre des députés en vue d’une réduction du budget. » Bientôt cependant les suppositions du même diplomate vont plus loin, et sa dépêche du 21 février finit par une remarque qui nous semble contenir le vrai mot de l’énigme. « Il ne faut pas oublier, dit sir A. Buchanan, que le parti féodal auquel M. de Bismark est lié est très désireux de conclure une union avec la Russie, dans l’espoir que l’alliance des trois puissances du Nord, rompue par la guerre de Crimée, pourra être éventuellement rétablie. »

Arrivé au pouvoir par une sorte de coup d’état absolutiste et depuis lors en lutte constante avec les chambres, qu’il ne faisait qu’insulter ou proroger, en lutte avec le pays, qui ne se lassait pas d’acclamer les députés opposans, M. de Bismark-Schoenhausen ne s’était jamais fait illusion sur les difficultés de sa position et avait aussi, dès le début, et avec la franchise impertinente qu’il aime parfois à mêler aux allures ordinaires d’un politique dédaigneux et insondable, indiqué la voie par laquelle il comptait sortir de l’impasse constitutionnelle où la monarchie se trouvait engagée. On se rappelle peut-être encore les paroles qu’il laissa échapper, au sein d’une commission de la chambre six jours après qu’il eut formé son ministère (30 septembre 1862), paroles remarquables à