Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 53.djvu/341

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du grand-duc Constantin à Varsovie déclare ne pouvoir se rendre un compte bien exact des motifs de la démarche de M. de Bismark ; il n’y a point péril en la demeure, et on n’en est pas à avoir besoin de la coopération des troupes étrangères. Tout ce qu’il importait pour le moment, c’est que la Prusse surveillât bien les frontières, et M. de Tegoborski parle avec humeur de l’éclat inutile donné à toute l’affaire par une mission bruyante, et qualifie toute l’idée de malheureuse… Mais cet éclat, M. de Bismark le cherchait précisément, pour en imposer au monde, pour surprendre et compromettre les puissances copartageantes, pour « faire le tour, » si on veut bien nous passer cette expression, et pendant qu’on le priait ainsi de Varsovie de s’en tenir simplement à la surveillance de ses frontières, il faisait adresser une circulaire aux journaux[1] qui leur défendait de donner aucune indication sur toute concentration des troupes prussiennes qui pourrait avoir lieu « soit pour la défense de la frontière ou pour une action directe dans un état voisin… » En vérité, quand on regarde de plus près la manœuvre du ministre prussien, on ne peut se défendre d’en admirer la décision et l’audace, alors surtout que l’on pense à sa réussite finale. Ne l’oublions pas en effet, le but que M. de Bismark poursuivait si ardemment en février 1863, et qui lui échappa au premier moment, il devait néanmoins l’atteindre encore vers la fin de la même année, après maintes circonvallations et détours… Pour le moment cependant, il échoua dans sa tentative, et l’impétuosité même qu’il y mit ne contribua pas probablement peu à l’échec. L’Autriche, qui n’est guère impétueuse de sa nature, et qui en outre avait à ces momens d’autres vues dans la question polonaise, répondit à l’invitation du ministre prussien par un refus péremptoire ; quant à la Russie, tout en ne voulant pas rebuter ouvertement la seule puissance qui se prononçait pour elle d’une façon si

  1. Citée dans la dépêche de sir A. Buchanan du 21 février.