Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 53.djvu/389

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

travaux se sont dirigés vers un coin de ce vaste pays qu’on nomme le moyen âge ; ce coin, c’est l’étude de la langue d’oïl.

Voici venir une démonstration complète, par le détail et par les faits, de la proposition du philosophe. Un érudit renommé, l’homme d’Europe qui connaît le mieux l’histoire littéraire du moyen âge (et c’est surtout d’idées qu’il s’agit ici), M. Le Clerc, donne pour conclusion de son grand discours que le XIVe siècle est caractérisé par l’affaiblissement de l’ancienne unité catholique et la dissolution prochaine de la société féodale. Ces deux termes comprennent le tout de la révolution moderne à son début. Ce qui rend remarquable cette rencontre entre le philosophe et l’érudit, c’est que celui-ci n’a reçu aucune influence de celui-là. Quand les documens lui eurent passé par les mains, quand il les eut classés et interprétés, la lumière qu’ils donnèrent fut décisive, et le caractère du siècle apparut dans sa réalité. Ceux qui, lisant le philosophe, douteront de la certitude de son aperçu n’auront qu’à prendre le discours de l’érudit ; ceux qui, lisant l’érudit, voudront savoir la liaison théorique des différentes parties du moyen âge, auront recours au philosophe.

L’importance est grande à noter correctement les époques. Considérez ce qui arrive en plaçant l’ébranlement des bases du système du moyen âge, comme on fait d’ordinaire, au XVIe siècle. Alors on peut soutenir, non sans apparence, que l’événement est accidentel, en ce sens du moins qu’il est dû non à l’insuffisance de l’organisme catholico-féodal, mais à des causes extrinsèques que l’on signalerait avec plus ou moins d’exactitude. Qu’on suppose Léon X moins besoigneux d’argent, la vente des indulgences moins scandaleuse, un moine augustin de moins ; la réforme n’éclate pas et les choses restent dans le vieil état, si bien qu’à ce point de vue un Bossuet peut, dans la dernière moitié du XVIIe siècle, prédire la fin des scissions et le retour à l’unité catholique. Cette prédiction, si terriblement démentie par les événemens, était d’avance condamnée par des nécessités historiques que les préjugés théologiques de l’auteur des Variations ne lui permettaient pas d’apercevoir. Mais quand les faits établissent qu’en pleine prospérité, tant intérieure qu’extérieure, au XIVe siècle, le moyen âge s’ébranle de lui-même et que cet ébranlement, loin de recevoir aucun amendement se prolonge tout le long du XVe, alors on arrive à concevoir que la réforme n’est qu’un moment particulier dans une révolution qui commence avant elle et qui ne finit pas avec elle, que cette réforme à son tour s’est trompée en croyant avoir trouvé un point fixe, et que successivement toutes les parties du système catholico-féodal, tant religieuses que politiques, ont été soumises à une critique ardente dont une des manifestations capitales fut la révolution française. Le XIVe siècle