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de ceux qui l’entament et sympathiser d’esprit et de cœur avec les novateurs, il n’est pas superflu d’indiquer ce qui, à mon avis, est le point culminant de ses services et le recommande particulièrement à la postérité.

Le moyen âge est le successeur de l’empire romain, comme l’empire romain fut le successeur de l’ère républicaine en Italie et en Grèce. Dès que, dans l’Occident, par l’arrivée des Barbares, le lien qui rattachait à Rome les provinces est rompu, ces parcelles divisées du grand tout cherchent à s’organiser et à vivre, et cette organisation est terminée peu après Charlemagne dans la constitution du régime catholico-féodal. Si l’on cherche en quoi ces deux époques, unies par une étroite succession, diffèrent essentiellement, on remarque qu’elles diffèrent surtout en ceci, — que l’une, l’empire romain, n’a pas d’institutions, et que l’autre, le moyen âge, en a.

Peut-être plus d’un dira : Qu’est-ce que ces institutions pour valoir qu’on en tienne compte ? Pourtant qu’on voie les choses, les difficultés, les résultats. Quand l’empire succéda à la république, qui, elle, avait des institutions, il laissa subsister les noms ; mais ces noms devinrent absolument vides. Il y eut encore un sénat, un forum et des consuls ; mais ce sénat, ce forum, ces consuls n’étaient plus que des simulacres : il ne restait qu’un empereur et des agens. Si immensum imperii corpus sine rertore librari posset, a dit Tacite… ; l’empire ne put en effet jamais trouver un équilibre sans un maître souverain. Une administration habile et puissante maintint l’ordre, leva les impôts, répartit les dépenses, entretint les armées, fit les ouvrages d’utilité publique ; mais rien, dans les trois siècles que dura l’expédient impérial, ne put faire qu’il s’établît entre le maître et les sujets quelques-uns de ces pactes qu’on appelle institutions, qui forment un principe de vie, d’action, de développement, et sans lesquels un état n’est pas un organisme. Les empereurs et les sujets furent aussi incapables les uns que les autres de pourvoir à ce vice capital qui minait peu à peu les assises du grand empire. Tacite fait dire à Galba que, si la chose était possible, il serait digne d’être celui par qui recommencerait la république ; mais la chose n’était pas possible : qui peut concevoir dans l’état du monde le rétablissement de la république antique ? Plus tard, les empereurs, accablés par l’urgence des affaires, n’eurent plus à songer qu’à se défendre contre les Barbares, et se défendirent mal. Quant aux sujets, ni les aristocraties ni les plèbes n’avaient plus aucun esprit qui les rendît maîtresses de la situation et forçât le souverain à leur accorder une part dans la gestion des affaires. C’est par cette absence d’institutions et par la désagrégation morale et politique qui s’ensuivit que les Barbares prévalurent sur Rome et que l’empire tomba.

Cette grande chute accomplie, le problème social et politique