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ce même ordre hiérarchique (c’est en histoire une des plus grandes découvertes de notre temps). Appliquons à l’empire romain et à son successeur, le moyen âge, cette notion capitale ; on reconnaît, vu que, après les mathématiques, préambule de toute étude positive, l’astronomie avait reçu dans l’antiquité et chez les Arabes le développement purement géométrique qu’elle comportait, on reconnaît, dis-je, que c’était le tour de la physique. Seulement, pour qu’elle parût, il fallait un avancement des mathématiques et de la méthode expérimentale que ne connurent ni l’empire romain ni le moyen âge. Par conséquent, le chemin étant ainsi coupé à la physique, ni la chimie ni la biologie ne purent paraître ; elles restèrent de simples appendices de ce qui était su, et furent gouvernées, ce qui est le caractère d’une science non constituée, soit par des idées chimériques, soit par des théories prises aux notions déjà constituées. Aussi tout le temps fut-il employé essentiellement à entretenir les sciences acquises (mathématiques, astronomie).

Un obstacle de même nature, c’est-à-dire dépendant de la hiérarchie et de la méthode, a empêché qu’aucun progrès considérable ne se fît dans la nature morale et intellectuelle de l’homme. Ces connaissances ne peuvent prendre leur constitution qu’après la biologie, qui en démontre les conditions organiques, qu’après la sociologie, qui en démontre le développement historique. En d’autres termes, l’étude du sujet doit suivre l’étude de l’objet. C’est pour cela que les temps que nous considérons ont été pauvres en ce genre, et que notre temps est celui où cette belle et difficile étude a reçu une puissante impulsion.

Quant aux langues, on sait que les Grecs et les Romains, traitant de barbare tout ce qui n’était pas Grec ou Romain, méprisaient les idiomes des peuples étrangers, et ne nous ont transmis aucun renseignement à l’Orient, sur ceux des Perses ou des Indiens, à l’Occident, sur ceux des Étrusques, des Ibères, des Celtes, des Germains. Le moyen âge, par l’impulsion du christianisme, qui convertissait les idolâtres et luttait contre l’islamisme, donna plus d’attention aux langues ; mais l’attention désintéressée et par conséquent scientifique n’est née que de notre temps, et se rattache à toute cette élaboration dont les facultés de l’esprit humain ont été l’objet. Le langage, qui dépend d’une de ces facultés, n’a pu inspirer l’intérêt et être étudié scientifiquement que quand l’ensemble de ces facultés est venu, si je puis ainsi parler, à l’ordre du jour.

Ainsi considéré par rapport à l’antiquité gréco-romaine, ce qui s’enseignait alors doit l’être maintenant par rapport à la théologie. À l’origine, le christianisme, maître des âmes par le sentiment, le devint aussi par l’intellect, car, d’après une révélation divine et un livre divin, il proclamait ce qui devait être su et cru de l’origine du