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le héraut de sir John Chandos, connétable d’Aquitaine. Je ne le mentionnerais pas, si, parmi tant d’autres détails faits pour intéresser les deux nations, il ne racontait en témoin l’entrevue du prince et du roi après la journée de Poitiers :

Là fuit devant lui amenés
Le rois Johan, c’est vérités.
Li prince moult le festoia.
Qui dampne Dieu engracia,
Et, pur le roi plus honourer,
Li voet aider à deservier.
Mais li rois Johan lui ad dit :
« Beaux douls cosins, pur Dieu, mercit ;
Laissez, il n’apartient à moi ;
Car, par la foi que jeo vous doi,
Plus avez el jour d’hui d’honour
Qu’oncques n’eûst prince à un jour. »
Dont dit li prince : « Sire douls,
Dieu l’ad fait, et non mie nous.
Si l’en devons remercier,
Et de bon cœur vers lui prier
Qu’il nous voille ottroier sa gloire
Et pardoner ceste victoire. »

Il est un exercice que nos anciens écrivains regardèrent toujours comme une dépendance de l’art de la rhétorique, c’est la traduction ; elle occupe une grande place surtout dans l’histoire littéraire de la seconde moitié du siècle, en raison de la faveur que lui accorda le roi Charles Y. Ce travail doit être noté, car il amena l’introduction de beaucoup de mots. C’est ainsi qu’on doit à Pierre Bercheure, traducteur de Tite-Live, les mots cohorte, colonie, magistrat, tribun du peuple, fastes, faction, transfuge, sénat, triomphe, auspices, augure, inauguration, et à Oresme, qui traduisit Aristote sur le latin, monarchie, tyrannie, démocratie, aristocratie, oligarchie, despote, démagogue, sédition, insurrection.

Dans un genre familier qui eut alors quelque vogue, les fabliaux latins, on cite Gotfrid de Tirlemont, qui mit en vers une série de contes où l’on remarque Brunellus vel Pœnitentiarius lupi et Asinarius vel Diadema. Le Pœnitentiarius, c’est la fable des Animaux malades de la peste ; l’Asinarius, c’est le vieux conte de Peau-d’Ane. « Perrault n’a pas inventé ses contes, dit M. Le Clerc avec son érudition aussi sûre qu’étendue : le Petit-Poucet, Barbe-Bleue, Riquet à la Houppe, viennent de l’Orient. Dans la Belle au Bois dormant se retrouve un épisode du roman de Perce forest, dans Cendrillon, une réminiscence de l’aventure de Rhodopis, qui, pour avoir perdu l’un de ses petits souliers, épouse un roi d’Égypte ; dans le Chat botté, la Chatte de Constantin le Fortuné, que Straparole avait empruntée du Pentamerone napolitain. Peau-d’Ane enfin