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du peuple, car dans la même complainte on lui conseille de se fier non pas aux nobles, mais au populaire, à Jacques Bonhomme :

S’il est bien conseillé, il n’obliera mie
Mener Jaque Bonhomme en sa grant compagnie ;
Guère ne s’enfuira pour en perdre la vie.

Les frères de Charles V, le duc de Berri, le duc d’Orléans, le duc de Bourgogne, furent de grands amateurs des beaux livres et des belles reliures, et nos bibliothèques conservent plusieurs manuscrits provenus de leurs librairies. M. Renan, dont le discours sur les beaux-arts au XIVe siècle est un digne et excellent complément de l’œuvre de M. Le Clerc, dit : « Les Valois, au commencement comme à la fin de leur long règne, au XIVe comme au XVIe siècle, se distinguèrent en général par leur goût pour les arts. L’historien de l’art n’est pas toujours amené à porter sur certains personnages les mêmes jugemens que l’historien de la politique et des mœurs. Tel tyran des villes d’Italie, souillé de crimes et digne des malédictions de la postérité, occupe dans l’histoire de l’art une place honorable. De même il faut reconnaître que cette dynastie des Valois, à laquelle l’historien politique est en droit d’adresser de si sévères reproches, créa le côté brillant de la civilisation française, et contribua puissamment à fonder la suprématie en fait d’élégance et de goût, qui ne devait plus nous être enlevée. À partir de Philippe de Valois, la cour de France est le centre le plus brillant du monde. Les fêtes, les tournois, les mœurs chevaleresques et polies y attirent le monde entier. Trois ou quatre rois, les rois de Bohême, de Navarre, de Majorque, d’Ecosse, une foule de princes à peu près étrangers à la France y fixèrent leur résidence habituelle. Paris réglait la mode et fixait les regards de l’Europe entière. Philippe de Valois et son fils Jean apparaissent en quelque sorte à l’imagination de leurs contemporains comme des rois de chansons de geste, passant leur vie en guerres et en fêtes, dans un cercle continu d’actions brillantes et de spectacles… Il est bien permis de regretter qu’à tant de qualités séduisantes ils n’aient pas joint un peu de gravité et de raison, car l’art véritable ne va pas sans une solide culture du jugement ; de joyeuses folies ne suffisent pas pour produire des œuvres durables et un mouvement d’art vraiment fécond. »

Paris était alors, aux yeux des contemporains, une ville magnifique. Jean de Jandun, dont j’ai déjà parlé, après avoir loué avec un vif sentiment d’admiration l’église de Notre-Dame, ajoutait : « Que dire de cette chapelle qui semble se cacher par modestie derrière les murs de la demeure royale, si remarquable par la solidité et la perfection de sa construction, par le choix des couleurs