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pour l’avancement des connaissances humaines. L’enseignement des universités, la jurisprudence canonique et civile, l’étude de la géographie et des langues favorisée par les missions lointaines, surtout par les missions asiatiques, doivent beaucoup à ces papes gascons et limousins qui se succèdent dans leur nouvelle Rome, dans leur ville pontificale d’Avignon. »

Un des hommes les plus illustres du XIVe siècle, Pétrarque, résida beaucoup à la cour d’Avignon. Des préventions contre lui, ou parce qu’il était poète, ou parce qu’il avait été l’ami de Cecco d’Ascoli, poète aussi, mais brûlé comme magicien en 1337, avaient été suggérées à Innocent VI ; mais Innocent ne fut pas un ennemi des lettres, et ces préventions s’évanouirent de son esprit. Lorsque Pétrarque est informé à Milan par son ami le cardinal Talleyrand que le pape, qui venait de donner au poète deux bénéfices et lui en promettait d’autres, veut qu’il soit secrétaire apostolique : « Est-ce possible ? dit-il dans sa réponse. Lui qui me croyait sorcier, sorcier parce que je lisais Virgile ! Combien de fois ne l’a-t-il pas soutenu opiniâtrement contre vous et mes amis ! Combien de fois aussi n’en avons-nous pas ri ensemble, même en présence du pape, alors cardinal, dans le temps où il y croyait plus que jamais ! La chose devint sérieuse quand il fut pape. Aussi, malgré vous, je partis sans prendre congé de lui, craignant que ma sorcellerie ne lui fît tort, ou à moi sa crédulité. »

L’Italie disputait sans cesse à la France la papauté d’Avignon. Urbain V, bien que Français (il avait professé le droit à Montpellier, à Toulouse, à Paris), songeait à rentrer à Rome. La cour de France le fit deux fois haranguer. Le début d’une de ces harangues, où l’auteur suppose un dialogue entre le père et le fils, c’est-à-dire entre le pape et le roi de France, mérite d’être rappelé : « Le fils : Domine, quo vadis ? — Le père : Romam. — Le fils : Iterum crucifigi. » On ne peut s’empêcher de comparer le temps présent à cette époque passée : aujourd’hui l’Italie dispute Rome au pape, et elle ne réclamerait pas la papauté, si la papauté résidait encore dans Avignon. Il faut ajouter que, l’hérésie ayant grandement entamé le domaine du catholicisme, et ce qu’on nomme la libre pensée entamé le domaine du christianisme, la papauté a perdu le caractère d’universalité qu’elle possédait au moyen âge, et qu’elle n’est plus que le pouvoir spirituel des catholiques.

Nous avons les testamens de plusieurs des cardinaux de la cour d’Avignon. Ces princes de l’église étaient fort riches ; parmi leurs actes de munificence, on remarque les encouragemens que la plupart d’entre eux donnent, dans ces pièces, à l’étude et à l’instruction. Un grand nombre de collèges à Paris et dans les provinces