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de Vigneria, qui se soude à la première, et qui doit son nom aux vignobles qui l’entourent. Un peu plus loin, on rencontre Rio-Albano, dont le gîte, s’enfonçant dans la mer, s’adosse au cap della Vita. Si, continuant le périple, on double ce cap, on arrive bientôt dans le golfe de Porto-Ferrajo, reconnaissable à sa forme demi-elliptique. La capitale de l’île commande la passe ; elle a donné son nom au golfe, et doit elle-même au fer qu’elle fondait ou embarquait jadis son ancien nom latin de Ferrara. Ce mouillage est l’un des plus beaux et des plus sûrs de la Méditerranée ; il n’a rien à envier à la célèbre rade de Toulon, à celle non moins fameuse de la Spezzia et à l’incomparable baie de Naples. Une langue de terre qui s’avance assez loin dans la mer sépare le golfe de Porto-Ferrajo de celui de Procchio, où la jolie marine de Marciana étale coquettement les blanches façades de ses maisons. Puis le rivage tourne ; les granités, s’élevant à pic, tracent une côte tourmentée où se projette la pointe de Pomonte. Mettant le cap à l’est, on salue bientôt le golfe et la marine de Campo, derrière laquelle est une plaine verdoyante, dominée par de rians villages qui se dessinent sur les hauteurs. Les golfes de l’Acona et de la Stella viennent ensuite, à peine séparés par une étroite bande de roches serpentineuses ; s’enfonçant profondément dans les terres, ils y déroulent leurs nombreux replis. On dirait que la mer a voulu prolonger à dessein son contact avec cette île heureuse, la caresser le plus longtemps possible. Sur une cime élevée se dresse Capoliberi, la montagne des hommes libres, et ce bourg fortifié a la juste prétention d’être la ville la plus ancienne de l’île. Au pied est la Cala degli Inamorati, la crique des amoureux, dont le nom rappelle une légende datant de l’époque des Barbaresques, et pieusement conservée par les habitans. Une jeune fille et son amant se noyèrent en cet endroit pour ne pas être séparés par les pirates. Au-delà on rencontre le cap Calamita ; enfin, tournant au nord, on revient au golfe de Porto-Longone, notre point de départ.

L’intérieur du pays n’est pas moins pittoresque que les rivages. Aux environs de Porto-Ferrajo, de Marciana, de Campo, de Porto-Longone, de Capoliberi, s’étendent des plaines bien travaillées où le blé, le maïs et la vigne forment la principale culture. La vigne s’élève aussi sur les coteaux, et donne partout les produits les plus estimés. L’olivier et le mûrier, qu’on néglige, trouvent dans l’île un sol favorable. Dans les jardins croissent en liberté les orangers, les grenadiers, les lauriers-roses et quelques plantes tropicales, l’agave ou aloès d’Amérique à la tige élancée et fleurie, l’opuntia ou figuier de Barbarie (la raquette des colonies de l’Inde), enfin le dattier, dont la brise de mer découpe les palmes en lanières. Les