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France : à Marseille, où la fonderie de Saint-Louis en consomme 24,000 tonnes par an ; à Bouc, à Arles, d’où le produit des mines de l’île d’Elbe, remontant le Rhône, va desservir les hauts-fourneaux de la Loire, ceux de Givors et de Rive-de-Gier. Par la Saône, on atteint le département de Saône-et-Loire, où le grand établissement du Creusot fond jusqu’à 30,000 tonnes de ce seul minerai. Enfin, comme on a porté à ses dernières limites l’abaissement du prix de vente et du prix des transports, les usines des Vosges et du Jura ont commencé elles-mêmes à passer la mer pour s’approvisionner, car nos gîtes nationaux vont partout s’épuisant. La Corse, par les fonderies de Toga, de Solenzara, et celle qu’on vient d’installer à Ajaccio, est un des plus importans débouchés de l’île d’Elbe. Il faut citer aussi l’Angleterre, qui importe annuellement pour ses usines du pays de Galles plus de 6,000 tonnes ; mais le principal consommateur du minerai, après la France continentale et la Corse, est l’Italie. D’abord vient la Toscane, dont les trois établissemens royaux de Valpiana, Follonica et Cecina, ne marchant que six mois de l’année à cause des fièvres qui l’été désolent la Maremme, fondent encore 15,000 tonnes par an. Nommons ensuite le haut-fourneau de la Pescia, voisin d’Orbetello, quelques usines du littoral ligurien et napolitain, puis les états de l’église eux-mêmes pour la fonderie de la Tolfa. Ces petits établissemens donnent lieu à des chargemens de peu d’importance, et les chiffres de leur consommation s’effacent devant ceux de la France et de la Toscane. La France et la Corse emploient à elles seules près de 80,000 tonnes, les quatre cinquièmes de toute la production.

Parmi les marins employés à l’exportation du minerai, on cite d’abord ceux de Rio (et il est naturel que les gens du pays profitent surtout des bénéfices de ce transport), puis ceux de Viareggio. Ces derniers, sortis d’un petit port du littoral toscan au nord de Livourne, sont les plus hardis, les plus rudes matelots de la mer Tyrrhénienne. À Carrare, à Seravezza, ce sont eux qui d’ordinaire chargent les marbres ; à Rio, ils viennent embarquer le fer. Une galette, un oignon et de l’eau, voilà toute leur nourriture pendant la traversée. Ils n’ont pas de cuisine à bord, où jamais ils n’allument de feu. À terre, ils se relâchent de cette vie de cénobite ; ils boivent souvent et mangent en un jour, au café, à l’auberge, tous les profits d’un fructueux voyage. Les disputes, les coups succèdent à des libations trop répétées, et parfois les poignards sont thés. Ces allures des Viareggini sont bien connues dans tous les ports qu’ils fréquentent.

Le coût de l’embarquement du minerai à Rio est de 1 franc par tonne payé par le capitaine. Le fret sur Marseille ou Bouc est respectivement