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contre les autres et s’entre-déchirant à qui mieux mieux, une troupe de geais vaniteux et criards, un essaim de guêpes prêtes à vous sauter au visage au moindre signe d’opposition. » Chacun de ces hommes arrivait de son diocèse avec un parti-pris sur les débats d’Antioche, un mot d’ordre arrêté sur les prétendus envahissemens-de l’église occidentale. Paulin, qui s’était prudemment abstenu de paraître, était représenté par les évêques d’Égypte, venus pour soutenir la légalité de la convention. Mélétius avait aussi ses amis particuliers qui plaidaient la même cause ; mais le bataillon des gens pacifiques était faible en nombre et découragé, et la masse compacte des évêques syriens, phrygiens, cappadociens, bithyniens, etc., gens hardis, querelleurs, prompts à l’injure, âpres à la lutte, étouffa aisément leur voix. Mélétius, qui se trouva présider l’assemblée par le privilège de l’âge ou par celui du siège (l’évêché de Constantinople étant encore vacant), vit sa chaire de président transformée en une sellette d’accusé : on le réprimanda comme ayant agi contrairement aux canons ; on cassa le pacte conclu entre lui et Paulin, on déclara ses prêtres relevés de leur serment, et tout cela se fit avec tant d’insultes, de mépris, de menaces, que le malheureux vieillard, qui n’avait point bronché jadis devant les persécutions et l’exil, tomba malade des émotions de cette scène et mourut quelques jours après. Il eut cependant le temps d’introniser Grégoire de Nazianze ; mais alors ce fut le tour de ce dernier. Comme il demandait, après la mort de Mélétius, la reconnaissance de Paulin au nom de la paix, il se vit traiter de schismatique, de fauteur d’hérésie, d’homme vendu aux Occidentaux, traître à sa patrie religieuse. « Le Christ est né en Orient, lui criait-on comme un argument sans réplique ; donc l’église orientale doit commander. » Il se tut : que pouvait-on répondre à de pareilles raisons ? Tandis que les anti-pauliniens l’attaquaient ainsi, quelques acres pauliniens se mirent de la partie, et à propos de son intronisation on entendit les évêques égyptiens lui opposer l’élection de Maxime ; mais pourtant à ce nom la conscience de l’assemblée se révolta : Maxime fut rejeté comme un indigne, son ordination déclarée illégale, et ceux qui l’avaient faite menacés des châtimens ecclésiastiques ? Quant à Grégoire, outré de tant d’iniquités et de violences, il résolut de se retirer pour jouir au moins lui-même de cette paix que les passions refusaient à l’église, et déposa en face du concile sa dignité d’évêque de Constantinople. « Qu’on fasse de moi, dit-il, ce que d’autres firent autrefois de Jonas : qu’on me jette à la mer pour calmer la tempête que je n’ai point suscitée. »

Mélétius avait à peine fermé les yeux, que le prêtre qu’il avait amené avec lui, son confident, le chef de son clergé, Flavien enfui, partit en toute hâte de Constantinople pour Antioche. C’était ce