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évêques occidentaux qui annonçaient un concile œcuménique à Rome pour l’année 382. Elle était accompagnée d’un rescrit impérial émané de Gratien, lequel invitait les évêques orientaux à venir y prendre place, pour la pacification de la chrétienté, à côté de leurs frères d’Occident. On devait s’occuper dans cette assemblée générale du règlement des affaires d’Antiocbe, dont les Occidentaux ignoraient encore l’issue, de l’élection du philosophe Maxime, pour qui l’Italie prenait imprudemment parti, d’une difficulté survenue au siège d’Alexandrie ; enfin de l’hérésie d’Apollinaris, qui commençait à inquiéter les évêques d’Occident. Rien ne peut rendre le dédain avec lequel l’épître synodique fut reçue par les Orientaux. « N’est-ce pas se jouer de nous, entendait-on dire de toutes parts, que de nous inviter à passer la mer, à quitter nos diocèses et nos maisons pour aller régler fort chèrement, au bout du monde, des affaires qui ne regardent que nous, et que nous avons su terminer sans personne ? » Ces plaintes, passablement aigres, sont consignées jusque dans les actes publics. Non-seulement les évêques convinrent de ne point se rendre en Italie, mais ils arrachèrent à l’empereur Théodose la convocation d’un second concile à Constantinople, dans le cours de cette même année 382, où devait se réunir le concile œcuménique de Rome. Il y avait là quelque chose d’insultant, de méprisant, qui dépassait toutes les bornes, et tendait à opposer non-seulement église à église, mais empereur à empereur. L’hiver se passa en conciliabules parmi les Orientaux, en intimidations, en brigues, pour que la manifestation préparée contre l’Occident fût la plus éclatante possible, et en effet aucun évêque asiatique n’osa se rendre en Italie, à l’exception de Paulin, que les Orientaux ne reconnaissaient pas, et d’Épiphane, de Salamine en Chypre, homme d’un caractère indépendant, lié d’affection personnelle à Paulin, et en double communion avec Alexandrie et Rome. Les évêques d’Égypte, toujours portés pour l’Occident, accueillirent bien la lettre synodique, mais ne partirent qu’en petit nombre. Quant à la Grèce, elle resta orientale, sauf un seul de ses prélats, Ascholius, de Thessalonique. Les circonstances étaient graves, comme on le voit. Quand les vents favorables commencèrent à souffler des côtes de Syrie vers le couchant, Paulin s’embarqua, et ralliant dans les eaux de Chypre Épiphane, son ami, ils firent voile ensemble pour l’Italie.

Jérôme se trouvait encore à Constantinople, que Grégoire de Nazianze venait à peine de quitter. Quoiqu’il n’eût reçu ni convocation synodique, ni invitation particulière de Damase, il jugea que sa place était dans l’église de son baptême, qu’il pouvait aider de ses conseils et éclairer de l’expérience qu’il avait acquise en Orient. Après s’être concerté par lettres avec Épiphane et Paulin, pour leur