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en aval de Vicksburg; mais, lorsqu’ils y arrivèrent, les confédérés avaient déjà planté sur la rive opposée des batteries qui commandaient le débouché du canal, ôtant ainsi toute importance stratégique à cette voie navigable. Puis un brusque contre-temps vint tout à coup mettre un terme aux travaux de creusement. La grande crue fluviale du printemps atteignit une hauteur imprévue et menaça de crever les levées qui protègent la péninsule contre l’invasion des eaux. Le travail changea de nature. Au lieu d’ouvrir un passage au Mississipi, les soldats durent maintenant lutter de toutes leurs forces contre la pression du grand fleuve suspendu pour ainsi dire au-dessus de leurs têtes. En dépit de ce labeur désespéré, le rempart circulaire céda en divers endroits, et des torrens d’eau s’abattirent sur les parties basses du camp. L’armée fut obligée d’abandonner en toute hâte sa base d’opérations et de se réfugier plus au nord, à l’anse du grand méandre de Milliken’s-Bend. Tous ces va-et-vient et ces travaux inutiles faisaient la joie de la garnison de Vicksburg, qui du haut de son promontoire voyait l’armée fédérale s’agiter au loin dans la plaine.

Dès qu’il eut compris l’inutilité du canal de la péninsule, le général Grant s’occupa de créer une autre voie navigable aux navires de l’Union. A 100 kilomètres au nord de Vicksburg, dans la plaine alluviale qui s’étend à l’ouest du Mississipi, se trouve le lac semi-circulaire de Providence, qui fut autrefois un méandre du fleuve, et qui en est actuellement séparé par une zone de terrains bas en partie cultivés et par une forte levée d’argile. Diverses coulées et fausses rivières font communiquer ce lac avec le bayou Maçon, le bayou Tensas et la Rivière-Noire, dont les eaux se déversent dans la Rivière-Rouge, affluent du Mississipi. Espérant que par ce long détour une partie de la flotte fédérale pourrait gagner l’embouchure de la Rivière-Rouge et bloquer Vicksburg en aval, le général Grant fit percer la levée de Providence. L’eau du fleuve se précipita par la brèche, inonda les plantations et fit déborder les bayous de l’intérieur; mais ces ruisseaux tortueux, obstrués de branches et de troncs, n’en devinrent guère plus navigables, et les pilotes n’osèrent y aventurer leurs navires.

A l’est du Mississipi, l’infatigable Grant s’occupait aussi de travaux de canalisation afin de tourner la place de Vicksburg et de la priver de ses communications avec les riches contrées qu’arrosent le Yazoo et ses affluens. Ne pouvant renouveler l’entreprise du général Sherman et remonter directement le Yazoo, dont les confédérés commandaient l’entrée par de puissantes batteries, Grant et l’amiral Porter devaient là aussi se mettre à la recherche de bayous de communication. Ces canaux naturels, aux eaux lentes et noirâtres, abondent dans la zone de terrain qui sépare du Mississipi le