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due vers le littoral de la mer par l’Atchafalaya, cherchait vainement à défendre l’embouchure de ce bayou contre une flottille partie de la Nouvelle-Orléans, et tout entière était livrée aux flammes, les équipages fédéraux du Hartford et de ses deux compagnons détruisaient les transports du sud, bombardaient les redoutes, enlevaient le coton des plantations et bloquaient complètement l’embouchure de la Rivière-Rouge. Enfin, le 16 avril, huit autres canonnières, sous les ordres de l’amiral Porter, réussirent à forcer le blocus de Vicksburg; le 23, une autre flottille dépassa les batteries avec le même succès. Désormais le fleuve était reconquis, et les deux forteresses confédérées restaient définitivement isolées l’une de l’autre.

Il était aussi très important de les isoler de leurs communications avec l’intérieur, de couper les chemins de fer de l’état du Mississipi, de détruire les locomotives, de renverser les ponts, de brûler les approvisionnemens de toute espèce qui se trouvaient dans les principales stations. C’est le colonel de cavalerie Grierson que le général Grant chargea de cette expédition périlleuse. La course qu’il devait fournir avec sa brigade était de 600 kilomètres en ligne droite, mais en réalité elle n’était pas moindre de 800 kilomètres, car il fallait éviter, par un grand détour vers l’est, l’armée de Johnston, dont le quartier-général était à Jackson, au centre de l’état. Les cavaliers, partis le 17 avril de Lagrange, village situé sur la frontière du Tennessee, rejoignirent le 2 mai l’armée du général Banks, qui les attendait à Bâton-Rouge, siège du gouvernement de la Louisiane. Pendant cette course effrénée à travers le territoire ennemi, ils avaient fait en moyenne 55 kilomètres par jour, tantôt opérant par détachemens isolés afin de détruire les chemins de fer et les télégraphes sur un plus grand nombre de points, tantôt réunis en un seul corps lorsqu’ils se préparaient à livrer un combat. Chaque jour, ils devaient entrer à l’improviste dans quelque village pour y trouver des vivres et des chevaux frais; chaque jour, il leur fallait déjouer les poursuites et devancer les messagers qui portaient la nouvelle de leur passage. La dernière étape de cette expédition fut la plus pénible : les cavaliers fournirent en trente heures une course de 128 kilomètres et trouvèrent encore le temps de détruire des magasins d’approvisionnemens, de livrer des ponts aux flammes, de passer une rivière à la nage et de s’ouvrir deux fois un chemin à travers des troupes ennemies. L’histoire de la guerre américaine n’offre pas d’exemple de faits d’armes plus audacieux que l’expédition de la colonne de cavalerie commandée par Grierson.

Avant de connaître l’heureuse issue de cette marche forcée, le général Grant commença le mouvement tournant qui devait lui per-