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Le résultat malheureux des deux journées de Chancellorsville produisit dans le nord une explosion de douleur d’autant plus grande, qu’on avait plus avidement compté sur le succès. Le général Hooker, porté aux nues la veille de la bataille, le général Halleck, qui pourtant n’avait pris aucune part à la direction stratégique de l’armée du Potomac, le secrétaire de la guerre, le président Lincoln, eurent à porter chacun son poids de l’indignation publique, et les injures de toute espèce leur furent librement prodiguées. Néanmoins aucun symptôme de découragement ne se manifesta, et la nation se prépara résolument à faire de nouveaux sacrifices pour rétablir l’Union dans son intégrité : les seules propositions de paix partirent des conciliabules où se réunissaient ces esclavagistes du nord qui ont eux-mêmes pris le nom de copper-heads ou de « serpens cuivrés, » comme pour afficher leur trahison. Armé de la loi qui lui permettait de suspendre en certains cas les privilèges de l’habeas corpus, le gouvernement fit incarcérer quelques-uns de ces alliés des rebelles, notamment le plus actif et le plus éloquent d’entre eux, M. Clément Vallandigham, ex-représentant de l’Ohio au congrès de Washington. En outre le président prit ses mesures pour assurer le recrutement de l’armée fédérale. Par sa proclamation du 8 mai, lancée trois jours après la retraite de Hooker, M. Lincoln annonçait au peuple des États-Unis qu’il mettrait prochainement à exécution la loi de conscription votée par le congrès.


III. — SECONDE INVASION DU MARYLAND. — BATAILLE DE GETTYSBURG. — CONQUÊTE DU MISSISSIPI.

L’incertitude la plus complète régnait à Washington sur les intentions des vainqueurs, et ce doute même augmentait notablement le danger. Le pressentiment général était que l’armée séparatiste profiterait de son triomphe pour envahir une seconde fois le Maryland et la Pensylvanie, déplacer le théâtre de la lutte, et faire connaître enfin aux populations du nord tous les fléaux que la guerre apporte avec elle ; mais le général Halleck n’avait aucun renseignement certain. L’ennemi essaierait-il de forcer le passage du Potomac en amont de Washington, en se glissant par l’un des passages que masquent les collines de Bull-Run et de Leesburg ? Descendrait-il par le chemin couvert de la vallée de la Shenandoah, si bien fait pour cacher la marche des forces d’invasion ? Adopterait-il quelque autre plan de campagne ? Dans l’ignorance absolue où il se trouvait à l’égard des mouvemens opérés par le gros de l’armée confédérée, le général Halleck devait se borner d’abord à recommander la plus extrême vigilance à tous les chefs de corps qui étaient exposés à subir le premier choc de l’ennemi. Il espérait qu’au