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nations souveraines. La campagne d’invasion que commençait le général Lee n’était donc point une simple répétition de la campagne militaire de 1862; elle semble avoir eu surtout un but politique.

Retardé par le siège de Winchester, le général en chef des confédérés fut en outre obligé de changer de route à cause des mésaventures arrivées à la division de cavalerie commandée par son lieutenant le général Stuart. Celui-ci, qui avait été chargé d’occuper les cols de la chaîne des Montagnes-Bleues et de masquer ainsi la marche du gros de l’armée séparatiste dans la vallée de la Shenandoah, s’était laissé entraîner par la supériorité de ses forces à livrer bataille à la cavalerie fédérale du général Pleasanton; mais, au lieu de remporter la victoire à laquelle il s’attendait, il avait au contraire subi une série de défaites, et pour éviter un désastre complet il avait dû chercher presque au hasard un refuge dans le Maryland. Par une manœuvre habile, les fédéraux avaient complètement séparé la cavalerie du général Stuart de sa ligne de communication avec l’armée envahissante, et l’avaient obligé à se diriger rapidement vers la frontière de Pensylvanie pour aller rejoindre son commandement par un immense détour : pendant quinze jours entiers, il dut fournir une marche précipitée dépourvue de tout caractère stratégique, et ses exploits se bornèrent à la capture de quelques trains de munitions. De son côté, le général Lee, privé de sa cavalerie et menacé en flanc par les fédéraux, ne pouvait plus, ainsi qu’il en avait eu l’intention, s’emparer de Harper’s-Ferry et franchir le Potomac en aval de cette ville, de manière à menacer directement Washington; il était forcé d’obliquer vers le nord et de pénétrer dans le Maryland par Williamsport et Hagerstown. Un temps précieux fut ainsi perdu pour la cause des confédérés, si bien que le 24 juin, lorsque le gros de leur armée traversa le Potomac, la plus grande partie des forces fédérales passait aussi le même fleuve à Poolesville pour se porter à la rencontre de l’ennemi.

Depuis le 15 juin déjà, la Pensylvanie était envahie par l’avant-garde des confédérés, que commandait le général Ewell. La ville importante de Chambersburg était occupée par eux ; ils poussaient jusqu’à York et à Carlisle en imposant à toutes ces localités des contributions de guerre, et parcouraient à la recherche du butin les riches campagnes qui s’étendent à l’ouest de la Susquehannah. Pour empêcher l’ennemi d’occuper Harrisburg, la capitale de l’état, où il se serait emparé de richesses considérables et des archives de la Pensylvanie, les citoyens eux-mêmes furent obligés de livrer aux flammes le beau pont de Columbia, remarquable monument dont la construction avait coûté plus de 5 millions de francs. La terreur était grande dans les villes directement menacées. Le gouverneur Curtin s’empressa de convoquer les milices de l’état et les