Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 53.djvu/599

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lines de couleur, et l’une des pauvres filles, n’ayant pu s’enfuir à temps, fut brûlée toute vive. Plusieurs quartiers habités par des nègres furent détruits de fond en comble ; les maisons des abolitionistes les plus connus eurent à subir un siège en règle ; celle du maire lui-même fut menacée; l’imprimerie et les magasins du journal la Tribune furent mis au pillage, et les rédacteurs durent se défendre en lançant des grenades parmi les assaillans. Pendant quatre jours, les émeutiers furent maîtres d’une partie de la ville. La police, composée de quelques centaines d’hommes, lutta courageusement pour maintenir l’ordre; néanmoins elle eût peut-être succombé, si les citoyens, revenant de leur stupeur du premier jour, ne s’étaient organisés en patrouilles de police volontaire pour défendre les banques, les établissemens publics et les maisons particulières. Enfin la municipalité se vit obligée de mettre en réquisition les forces militaires qui se trouvaient à New-York et dans les environs, et grâce à cet appui l’autorité de la loi fut bientôt rétablie. Quelques meneurs furent arrêtés; les dépôts d’armes cachées furent saisis, et le prévôt-maréchal put faire recommencer sans danger les opérations du tirage au sort. Les tristes événemens des quatre journées d’émeute avaient coûté la vie à plusieurs centaines de personnes.

Des tentatives d’émeute aussitôt réprimées eurent lieu à Portland, à Boston, à Buffalo, à Baltimore et dans plusieurs villes des états de l’ouest. Il est à peu près hors de doute que le mot d’ordre était donné depuis longtemps, et que d’après le plan tracé d’avance une levée générale de boucliers de la part des copper-heads du nord devait coïncider avec la marche triomphale de Lee sur Washington. Il est également très probable que même en Europe, aussi bien que dans les états du nord, les rôles étaient distribués à tous les hommes considérables qui s’étaient faits les défenseurs de la confédération des états à esclaves. C’est en effet à la fin du mois de juin que M. Roebuck, le plus ardent défenseur du sud dans la chambre des communes, le fougueux orateur qui se plaît à se donner lui-même le nom de « bouledogue, » développait sa motion relative à la reconnaissance des états confédérés. A la même époque, les envoyés officiels et les agens secrets que le gouvernement de Richmond entretenait dans les capitales de l’Europe occidentale redoublaient d’efforts pour agir sur l’opinion publique et décider les divers cabinets à prendre une attitude hostile à l’Union. Évidemment les chefs du mouvement séparatiste avaient résolu de combiner dans une tentative suprême toutes leurs ressources militaires et leurs influences diplomatiques; ils mettaient en jeu tout ce qui leur restait de force, d’audace et de ruse pour frapper un grand coup qui leur permît d’échapper à leurs embarras intérieurs et de masquer leur