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leurs travaux d’approche, afin d’investir complètement la partie de l’île dans laquelle l’ennemi s’était retranché. Les garnisons des forts Wagner et Gregg eussent été inévitablement capturées, si elles n’avaient pris le parti d’évacuer l’île. Elles échappèrent le 6 septembre à la faveur d’une nuit obscure ; le lendemain, lorsque le général Gillmore fit ses préparatifs d’assaut, il s’aperçut que les confédérés lui avaient abandonné le terrain si longuement et si bravement disputé.

Maîtres de l’île Morris, les fédéraux avaient par cela même réalisé dans son entier le but purement stratégique de l’expédition, puisqu’ils pouvaient bloquer désormais d’une manière absolue l’entrée du port de Charleston et priver ainsi les états rebelles d’une partie considérable des ressources que lui procure le commerce de contrebande. En effet, les navires qui veulent pénétrer dans la rade de Charleston sont obligés de suivre un chenal extérieur qui court parallèlement à la plage de l’île Morris, et que commandent les batteries côtières sur une distance de plusieurs kilomètres. Afin d’utiliser sa conquête et de s’y établir d’une manière permanente comme dans une immense citadelle, le général Gillmore s’empressa de faire travailler ses soldats à la reconstruction et à l’agrandissement des forts évacués par l’ennemi. Au point de vue militaire, c’était là l’œuvre importante. C’était aussi, aux yeux du peuple américain, une véritable gloire que celle de planter les batteries de l’Union exactement à l’endroit d’où était parti le premier coup de canon des esclavagistes caroliniens. Toutefois la gloire eût été bien plus grande encore, si les fédéraux avaient arboré le drapeau étoile sur les ruines de Sumter. Entraînés, peut-être à leur insu, par le désir de plaire à l’opinion publique, le général Gillmore et l’amiral Dahlgren résolurent de tenter l’entreprise. Pendant la nuit du 8 au 9 septembre, 400 hommes, embarqués sur des canots, s’avancèrent silencieusement vers les murailles de Sumter ; mais, par suite d’un malentendu, ils ne réussirent point à surprendre la faible garnison du fort : ils durent rebrousser chemin sous le feu convergent de toutes les batteries de la rade, et ceux d’entre eux qui mirent pied à terre furent aussitôt faits prisonniers. Depuis cet échec, les unionistes n’ont pas essayé une seule fois de renouveler leur tentative de débarquement sur l’îlot de Sumter. D’ailleurs, tant que les batteries de l’île Sullivan et du port de Charleston n’auront pas été réduites au silence, ce serait pour une garnison fédérale un bien périlleux honneur que celui d’occuper un fort autour duquel peut s’allumer au premier signal un demi-cercle de canons vomissant les boulets. Si le général Gillmore s’était emparé du fort Sumter, il n’aurait pu s’y maintenir qu’au prix de très grands sacrifices. Il dut se contenter de rendre la fameuse citadelle tout à fait inoffensive en dé-