Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 53.djvu/613

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lévation dépasse 600 mètres. Dès que les soldats de Rosecrans se furent enfermés dans les murs de Chattanooga, le général Bragg planta ses canons sur toutes les hauteurs, de manière à commander à la fois la ville, le chemin de fer, les routes qui longent les deux rives du Tennessee et le cours du fleuve. Du coup il enlevait ainsi aux fédéraux l’usage de leurs quatre voies de communication les plus importantes avec le nord : il ne leur laissait qu’un seul chemin par lequel il leur fût possible de tirer leurs approvisionnemens de Nashville, et ce chemin lui-même, qui s’engage dans les âpres défilés des montagnes de Cumberland pour aller rejoindre la voie ferrée, était souvent intercepté par les fourrageurs ennemis. En même temps des détachemens de cavalerie confédérée parcouraient le Tennessee central en ravageant les campagnes et en détruisant les ponts afin d’empêcher l’envoi de renforts au général Rosecrans. Les vivres diminuaient rapidement à Chattanooga. Les rations furent réduites de moitié, puis des trois quarts; les chevaux et les mulets de somme périrent de faim par milliers; les blessés et les malades eux-mêmes commencèrent à souffrir du manque de nourriture et de médicamens. La situation, déjà très-grave à la fin du mois de septembre, empira pendant le mois d’octobre. Il devenait de plus en plus évident que, si l’on ne réussissait à rétablir toutes les communications de la garnison de Chattanooga avec le nord, elle courait le risque d’être capturée tout entière ou de mourir de faim. « Je tiendrai tant qu’il y aura du pain, » répondit le général Thomas à une dépêche du ministre de la guerre.

On comprit à Washington que toutes les opérations militaires devaient être subordonnées au salut de Chattanooga. Grant, à peine relevé de maladie, fut rappelé de la Nouvelle-Orléans et nommé général en chef de l’armée du Cumberland en remplacement de Rosecrans; la division Hooker fut transférée par chemin de fer des bords du Rappahannock à ceux du Tennessee; enfin le général Sherman reçut l’ordre de se rendre de Memphis à Chattanooga avec la plus grande partie de ses forces. Hooker arriva le premier et ne perdit pas un instant pour essayer de débloquer la ville. Franchissant le Tennessee à une distance de quelques milles en aval de la montagne de Lookout, il parvint à s’établir dans la petite vallée de Wauhatchie, d’où il menaçait le revers des positions confédérées. Longstreet essaya vainement de le déloger; dans les combats du 27, du 28 et du 29 octobre, Hooker repoussa successivement toutes les attaques et finit par s’emparer des retranchemens élevés par l’ennemi à la base du mont Lookout. Par ce fait d’armes important, la liberté des communications de Chattanooga avec le nord fut rétablie, et la durée des transports fut tout à coup réduite des neuf dixièmes.