Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 53.djvu/704

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tous ses plaisirs, ils s’asseyaient à sa table, ils l’entouraient quand il siégeait sur son tribunal, ils formaient enfin ce qu’on appelait la cohorte, nous dirions presque la cour, du préteur (prœtoria cohors). C’était, disait-on, Scipion l’Africain qui avait imaginé ce moyen de relever l’apparence du pouvoir suprême aux yeux des peuples soumis, et après lui les gouverneurs avaient eu grand soin de conserver tout cet appareil qui ajoutait à leur prestige. Ce n’était pas tout, et à côté de ces hommes de guerre il y avait place pour des gens d’aptitudes et de conditions très diverses. Des financiers habiles, des secrétaires intelligens, et même de savans jurisconsultes pouvaient être nécessaires pour l’administration de ces vastes pays que gouvernait un proconsul. C’est ainsi que Trebatius lui-même, le pacifique Trebatius, n’était pas déplacé à la suite d’une armée, et qu’il avait l’occasion d’exercer son art jusque chez les Nerviens et les Belges. Si l’on ajoute à ces gens, à qui des fonctions plus relevées donnaient une certaine importance, une foule d’officiers inférieurs ou de serviteurs subalternes, comme les licteurs, les huissiers, les scribes, les interprètes, les appariteurs, les médecins, les valets de chambre, et même les aruspices, on aura quelque idée de ce cortège vraiment royal qu’un proconsul traînait toujours après lui.

Celui de César devait être plus somptueux encore que les autres. Les dix légions qu’il commandait, l’étendue des pays qu’il avait à conquérir et à gouverner, expliquent ce grand nombre d’officiers et de personnages de toute sorte dont il s’entourait. D’ailleurs il aimait naturellement la magnificence. Il accueillait volontiers tous ceux qui venaient le voir et trouvait toujours quelque fonction à leur donner pour les retenir. Jusque dans ces contrées sauvages, il se plaisait à les frapper par son accueil. Suétone raconte qu’il faisait porter partout avec lui des parquets de marqueterie ou de mosaïque, et qu’il avait toujours deux tables servies où les riches Romains qui le visitaient et les provinciaux de distinction prenaient place. Ses lieutenans l’imitaient, et Pinarius écrivait à Cicéron qu’il était ravi des dîners que lui donnait son frère. Ce n’est pas que César tînt beaucoup pour lui à ces repas somptueux et à ces riches demeures. On sait qu’il était sobre, qu’à l’occasion il était capable de bien dormir en plein air et de manger de l’huile rance sans sourciller; mais il avait du goût pour la représentation et le luxe. Quoique la république durât encore, c’était déjà presque un roi; jusque dans ses camps de Bretagne et de Germanie, il avait des empressés et des courtisans. On ne l’abordait qu’avec peine; Trebatius en fit l’épreuve, et nous savons qu’il fut longtemps avant de pouvoir arriver jusqu’à lui. Sans doute César n’accueillait pas les gens avec cette majesté