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le respect et l’obéissance des militaires. Tout tourne au profit de l’état. — Je ne mettrai sûrement point obstacle à cette grâce. »

« … Je me retirai pour le laisser reposer. À huit heures et demie, j’étais chez le maréchal, que je suivis à neuf heures chez M. d’Argenson. J’entrai avec lui dans son cabinet, et, les premiers mots dits, je les laissai seuls. La conversation fut vive et longue ; mais le maréchal voulait obtenir et M. d’Argenson accorder ; ce ne fut qu’un replâtrage, tout finit bien… »


Ce ne fut qu’un replâtrage ! M. de Valfons veut dire que la réconciliation fut bien vite accomplie, chacun d’eux y étant décidé par avance ; mais le spirituel gentilhomme n’avait pas affaire cette fois à une franche nature de soldat comme le comte de Clermont, il servait d’instrument sans le savoir au plus roué des hommes, et nous pouvons prendre au pied de la lettre ces mots qu’il a détournés de leur sens. Ce ne fut qu’un replâtrage en effet ; l’inimitié subsistait au fond. Maurice avait trop souvent dominé le ministre de la guerre pour que celui-ci n’en eût pas conçu un ressentiment implacable, et le ministre était trop fin pour ne pas voir que la lutte de Maurice contre un prince du sang, son peu de déférence pour le roi, ses mille maladresses de cour, finiraient bientôt par le perdre malgré l’amitié de la marquise. Il n’avait qu’à laisser aller le train naturel des choses sans attirer sur lui-même la colère du maréchal. Le comte d’Argenson, en travaillant sous main à détruire le crédit de Mme de Pompadour, avait bien soin de ne jamais rompre avec elle. On peut suivre ces ténébreux manèges dans le journal de son frère aîné, le marquis d’Argenson, qui, connaissant tous les masques, fort impartial d’ailleurs entre les personnages d’un drame qui inquiète et irrite son patriotisme austère, en consigne heure par heure les péripéties.

C’est donc après cette entrevue du maréchal et du ministre de la guerre, s’il faut s’en rapporter aux souvenirs de M. de Valfons, que le comte d’Argenson, voulant apaiser Maurice et faire sa cour à la marquise de Pompadour, obtint pour lui le titre de maréchal-général des camps et des armées du roi. « On envoya prendre chez M. le duc de Bouillon les patentes de M. de Turenne, qui servirent de modèle et qu’on copia mot pour mot[1]. » Le 10 janvier suivant, le roi, étant au château de Choisy, annonça lui-même au comte de Saxe la faveur exceptionnelle qu’il daignait lui faire. « Mon cousin, lui dit-il, vous m’avez aussi bien servi que M. de Turenne avait servi le feu roi, il était juste que je vous donnasse le même grade. Je souhaite que vous l’imitiez en tout. » Étrange préoccupation du catholicisme chez un souverain qui scandalisait chaque jour et ca-

  1. Souvenirs du marquis de Valfons, p. 204.