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tholiques et protestans par les désordres de sa vie ! Cet abaissement de la religion, devenue chose d’étiquette, formalité de cour, est un symptôme de mort pour un culte. Il ne fallait pas moins que la révolution française pour rouvrir les sources de la vie chrétienne. À ces exigences d’un formalisme hypocrite, quelle âme droite ne préférerait le refus loyal et obstiné du soldat ? Le roi ayant répété le lendemain les mêmes paroles en présence de la cour assemblée, Maurice s’inclina en signe de remercîment et prononça simplement ces paroles : « Je souhaite de mourir dans le service de sa majesté comme le maréchal de Turenne. » Nous devons la plupart de ces détails aux dépêches du comte Loss.

Inutile de dire que ces honneurs, diversement appréciés par la cour, étaient confirmés à grand bruit par l’enthousiasme de la ville. Le maréchal de Noailles lui avait écrit à la veille du siège de Namur : « Je veux et entends que vous soyez reçu aux acclamations publiques, et qu’en vous voyant le parterre vous regarde toujours des mêmes yeux, pourvu qu’il ne vous en coûte pas tous les ans d’aussi beaux pendans d’oreilles… » Le parterre répondit au vœu du compagnon d’armes de Maurice. La première fois que Maurice parut à l’Opéra (20 novembre), la prima donna, Mlle Chevalier, chanta une cantate en son honneur au milieu d’applaudissemens sans fin. Les cantates et les Te Deum se renouvelaient ainsi à chaque retour du vainqueur. Notre-Dame et l’Opéra, dans cette société singulière, étaient le double théâtre de ses triomphes, et cette coïncidence n’a pas échappé au joyeux Piron. « Vous êtes sans contredit, lui écrit-il, le maréchal le plus édifiant que nous avons, quoique. Dieu merci, nous en ayons de très pieux. Oui, monseigneur, vous êtes un ange envoyé du ciel pour notre salut temporel et spirituel, vous nous menez au paradis sur votre char de triomphe, car depuis que vous avez l’épée et le bâton à la main, vous nous mettez sans cesse les louanges de Dieu à la bouche ; les Te Deum ne finissent pas ; j’y trouve mille gens que je n’avais jamais vus à nos grand’messes, et que je ne connaissais que par leur assiduité à l’Opéra… »

Un événement grave allait augmenter encore le crédit du comte de Saxe et déconcerter quelque temps les intrigues hostiles. La dauphine était morte le 22 juillet en accouchant d’une fille. Après les premiers mois de deuil, le roi fut pressé de remarier son fils et d’assurer la postérité royale. Le comte Loss, négociateur habile, réussit à intéresser le marquis d’Argenson à une alliance de la maison de France avec la maison de Saxe. L’affaire était difficile à emporter. La cour d’Espagne remuait ciel et terre pour faire agréer à Louis XV l’infante Antonia, sœur de la défunte. Intrigues mondaines, intrigues ecclésiastiques, tout avait pris feu à la fois. D’un côté, les personnes que le marquis d’Argenson appelle les harpies