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de la cour, harpies de toute espèce, dévotes ou courtisanes, de l’autre l’évêque de Rennes avec ses prédictions menaçantes ; il semblait, à les entendre, que ce fût une trahison de chercher une femme au dauphin en dehors des Bourbons d’Espagne. Le marquis d’Argenson pensait qu’il fallait désirer avant tout une alliance heureuse et féconde ; on devait considérer la femme plus que la princesse, et les avantages naturels plus que les intérêts politiques. « Je puis dire, écrit-il en ses Mémoires, que le roi prit ce louable système, et que ce fut plus en père qu’en roi qu’il examina avec moi les partis qui convenaient à son fils, après avoir écarté celui d’Espagne. » Il y avait à choisir entre plusieurs princesses, les deux filles du duc de Modène, la fille du roi de Danemark, la sœur du roi de Prusse, enfin la princesse Marie-Josèphe de Saxe, fille du roi de Pologne, et la princesse de Savoie, fille du roi de Sardaigne. Les quatre premières ayant été écartées pour divers motifs, restaient seulement la princesse de Savoie et la princesse de Saxe. Les mêmes raisons auxquelles le ministre avait obéi jusque-là déterminèrent le choix qu’il soutint auprès du roi. « La princesse de Saxe promettait plus de santé par celle de ses père et mère. La fécondité est l’apanage de cette famille ; la reine sa mère a eu quantité d’enfans, la reine de Naples accouche tous les neuf mois. Le roi de Pologne est meilleur homme[1], et lui et la reine sa femme ont élevé bourgeoisement leurs enfans : ainsi tout promettait du bonheur dans la maison royale par cette alliance. Il est vrai cependant que le roi de Pologne n’a obtenu la préférence sur le roi de Sardaigne que par les fautes de celui-ci et par la conjoncture des affaires…[2]. » Bref, la princesse Marie-Josèphe de Saxe fut préférée. Elle était, comme on sait, la propre nièce de Maurice, puisque Maurice et le roi de Pologne Auguste III étaient fils du même père. Or, bien que Maurice n’ait joué aucun rôle dans cette négociation et que le ministre des affaires étrangères, attentif seulement au bien de l’état, ne se soit pas même soucié de savoir si cette décision du roi agrandirait ou non la situation personnelle du maréchal, il était impossible qu’il n’en profitât point.

Le mariage ayant été célébré à Dresde (février 1747), et la dauphine devant être reçue par le roi et la reine au château de Choisy, le roi voulut que Maurice allât à sa rencontre. Marie-Josèphe, née le 4 novembre 1731, avait à peine quinze ans ; la présence d’un oncle devait la rassurer dans un monde si nouveau pour elle. Le cortège de la dauphine arriva le 7 février à Choisy, et pendant plusieurs jours, à Choisy, à Paris, à Versailles, ce ne furent que fêtes

  1. L’auteur veut dire : « meilleur homme que le roi de Sardaigne. »
  2. Journal et mémoires du marquis d’Argenson, t. V, p. 65.