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pas non plus spiritualiste à la façon de MM. Cousin et Jouffroy, et les précautions extrêmes dont il s’entoure dès qu’il s’agit d’énoncer une affirmation donnent aux lignes que nous venons de transcrire un prix tout particulier. Ainsi la réalité des faits internes est hors de contestation. Ce terrain, où la science de l’esprit a jeté ses premiers fondemens, est si peu miné, si peu effondré, si peu englouti sous je ne sais quelles terribles vagues, que les philosophies les plus diverses, les plus ennemies même, y prennent pied. Il y a donc en philosophie, malgré tant de contraires apparences, un endroit fixe et stable. Nous devons féliciter M. Huet et M. Alaux d’avoir choisi ce lieu pour y procéder à ce qu’ils appellent l’un la reconstitution, l’autre l’organisation du spiritualisme, et louer M. Destrem d’avoir cherché là le point de départ de la théodicée qu’il se propose d’édifier.

Mais à l’observation doit succéder l’induction. M. Jouffroy, après avoir établi l’existence et la réalité des faits internes, avait montré que la faculté qui les connaît peut être dirigée d’une manière scientifique et généraliser les faits observés. Il avait merveilleusement décrit et jusqu’à un certain point organisé la méthode psychologique, méthode très ancienne, que Descartes avait restaurée par un coup de génie, que plus récemment MM. Royer-Collard, Maine de Biran et Cousin avaient remise en vigueur, mais qui, pour prendre définitivement son rang parmi les procédés de la science, avait besoin d’être constituée comme l’induction des sciences physiques l’avait été par François Bacon. Cette tâche, commencée dans la préface des Esquisses de philosophie morale avec une circonspection presque excessive, M. Jouffroy crut l’achever et l’acheva à peu près en 1839, dans son Mémoire sur la légitimité de la distinction de la psychologie et de la physiologie. Avant et depuis la publication de ce dernier ouvrage, la méthode psychologique a subi le feu de critiques ardentes : elle est sortie intacte de toutes ces épreuves; elle a produit un nombre considérable de résultats désormais incontestés. Comment se fait-il donc que certains novateurs rêvent une transformation profonde de cette méthode et en apportent une autre qu’ils n’hésitent pas à décorer du titre pompeux de Novum Organum? A-t-on découvert tout à coup dans cette méthode quelque vice jusqu’à présent inaperçu? Ce vice, en a-t-on démontré l’existence? Enfin l’instrument scientifique que l’on propose est-il plus parfait que celui que l’on rejette ?

En premier lieu, on se persuade en effet avoir découvert que l’induction psychologique, appuyée sur l’observation intérieure, est entachée du vice d’incertitude. Défenseur passionné du spiritualisme, M. Alaux gémit de voir que cette philosophie « ne se fait pas, n’existe pas, » et ce malheur a sa cause, à son avis, dans l’im-