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frais ; on sentait donc la nécessité d’aider au déplacement des classes pauvres. Le premier essai de ce genre fut dû à l’initiative de l’un des hommes qui ont le plus fait en faveur du développement matériel et moral de l’Australie. Le docteur Lang, voulant créer à Sydney un collège presbytérien, se rendit en Angleterre afin de recruter non-seulement le personnel enseignant, mais aussi les ouvriers nécessaires à l’érection des bâtimens projetés. Le gouvernement anglais fit l’avance d’une partie de la dépense d’expatriation de ces hommes, et M. Lang revint dans la Nouvelle-Galles du Sud, en 1831, avec un détachement de cinquante-neuf artisans, maçons, charpentiers, serruriers, qui étaient presque tous accompagnés de leurs femmes et de leurs enfans. La colonie ne pouvait compter jusqu’alors pour les travaux de construction que sur les convicts, hommes impropres en général à de telles occupations, ou trop débauchés pour suffire à de vastes entreprises : les immigrans du docteur Lang furent donc une précieuse acquisition pour le pays. Ils s’étaient engagés à rembourser en cinq ans le prix de leur passage, — c’est-à-dire une somme de 625 francs, — au moyen d’une retenue sur leur gain de chaque semaine. Aucun d’eux ne faillit à cet engagement pécuniaire, et leurs bras furent trouvés si utiles que la colonie prit bientôt la résolution de subventionner l’immigration sur une large échelle.

À cette époque précisément, les paysans du sud de l’Angleterre se trouvaient dans un état de misère tel que le gouvernement crut utile de favoriser le départ de tous ceux qui n’avaient pas de travail assuré. L’Australie pouvait contribuer sans peine à la dépense, car la vente des terres de la couronne lui fournissait chaque année des ressources considérables, et l’arrivée de nouveaux colons devait accroître cette source de revenus. Des sommes importantes furent en effet consacrées au transport des ouvriers; mais l’exécution de cette mesure ne fut pas sans difficulté. D’abord, sous prétexte de peupler le continent austral, les paroisses de l’Angleterre cherchèrent à se débarrasser du rebut de leur population; elles expédiaient aux antipodes des hommes impropres au travail manuel, ou vicieux et débauchés, et bien différens de ceux que la colonie réclamait. Aussi les provinces de l’Australie en vinrent-elles plus tard à entretenir dans les grandes villes des îles britanniques des agens spéciaux qui avaient charge d’examiner les futurs émigrans et de n’accepter que ceux qui méritaient les sacrifices de l’état. On recommandait surtout de les choisir dans les campagnes plutôt que dans les villes, où la population est moins sobre et moins laborieuse. Quant au transport, il était opéré par des armateurs qui entreprenaient l’émigration en grand, et qui recevaient une prime de 375 francs pour