Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 53.djvu/978

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à 60,000 environ. L’Australie a reçu en outre de l’Europe et des autres parties du monde bien près d’un million d’immigrans. Par la comparaison de ces deux chiffres, on peut concevoir comment s’est effacé peu à peu le souvenir du mauvais recrutement des premières années. La plupart de ces hommes frappés par la justice de leur pays sont morts; d’autres ont réussi à s’échapper et à retourner en Europe; quelques-uns se sont amendés et sont devenus chefs de familles distinguées parmi les plus honorables de la colonie. Aujourd’hui on ne se préoccupe plus de savoir d’un homme si lui ou son père était convict ou immigrant volontaire: tous, à quelque titre qu’ils soient venus, prennent une part égale aux affaires publiques, et apportent leur contingent d’activité et de richesse à la prospérité du nouveau continent. Ce résultat ne doit-il pas être attribué en partie à l’influence vivifiante des institutions parlementaires, qui ont aboli les anciennes distinctions sociales et confondu tous les habitans, quelle que fût leur origine, en une seule classe de citoyens? Cependant la transportation vient de donner lieu à de nouvelles discussions. L’Australie occidentale avait réclamé le secours des convicts à l’époque où les autres provinces n’en voulaient plus. Dans cette contrée, divisée en grandes concessions mal cultivées, les immigrans n’arrivaient pas volontiers, et les propriétaires, qui ne pouvaient ni cultiver leurs immenses domaines, ni les louer à de petits cultivateurs, demandèrent que leur pays fût transformé en établissement pénitentiaire. Le gouvernement anglais, faisant droit à leur demande, leur expédia chaque année de 2 à 300 convicts, environ 3,000 en tout pendant une dizaine d’années. Ce fut peut-être une décision plus nuisible qu’utile à ceux qui l’avaient provoquée, car ce voisinage honteux effraya la population libre, qui se porta de plus en plus vers la Victoria, la Terre-de-la-Reine et la Nouvelle-Zélande. Aujourd’hui l’Australie occidentale, quoique plus rapprochée de l’Europe que les autres établissemens de l’Océan austral, ne renferme que 20,000 habitans à peu près sur un territoire d’une immense étendue. L’Angleterre, plus que jamais embarrassée des condamnés qui remplissent ses prisons, a songé à les déverser en masse sur ce territoire abandonné : il a suffi que ce projet fût annoncé pour déterminer de la part des autres provinces d’innombrables protestations. L’Australie occidentale est à la vérité séparée de ces provinces par des déserts que personne n’a encore pu traverser, et les convicts ne peuvent s’en échapper que par la voie de mer. Malgré ces difficultés et en dépit de la surveillance qui est exercée aux ports d’embarquement, ils réussissent à passer sur les navires qui vont d’une colonie à l’autre. Du reste, lorsque ces hommes ont achevé le temps de leur détention, ils ac-