Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 53.djvu/979

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quièrent de nouveau le droit de circuler dans tout le pays. La province de Victoria a voulu repousser les libérés, et la législature de Melbourne a voté leur expulsion; mais cette mesure, dont la légalité a été contestée par le gouvernement impérial, s’est trouvée illusoire. En fait, les convicts échappent aux entraves de toute sorte par lesquelles on essaie de les retenir : les plus dangereux d’entre eux sont aussi ceux qui se résignent le moins à demeurer dans le lieu de leur déportation; les grands centres de population, tels que Melbourne et Sydney, les attirent aussi bien que Londres. Les plus inoffensifs restent seuls dans l’Australie occidentale, occupés par les colons aux divers travaux du squattage et de la culture des terres. Du reste, les Australiens n’ont pas seulement à se plaindre de la mère-patrie sous ce rapport : ils ont vu avec regret la France imiter l’Angleterre et créer, elle aussi, un dépôt pénitentiaire dans la Nouvelle-Calédonie, à quelques centaines de lieues de leurs côtes.

Il n’a été question jusqu’ici que de l’émigration anglaise. En réalité, la masse de la population australienne est bien réellement d’origine britannique. Les derniers recensemens ont constaté que l’élément étranger ne forme pas un dixième du total, dont moitié est fournie par la Chine et le reste par tous les pays du globe, mais surtout par l’Allemagne. En somme, la proportion entre les sujets britanniques et les colons d’origine étrangère est à peu près la même que dans les grands ports du royaume-uni. Seulement il y a plus de variété dans la population étrangère, et on peut dire que tous les peuples sont représentés sur cette terre d’abondance où la fortune facile les a attirés. Outre les Anglo-Américains, qui sont en immense majorité, et les rares représentans des autres nations européennes, et sans parler même des Chinois très nombreux, on y rencontre des nègres venus de l’Afrique on ne sait comment, des Polynésiens et même des Maoris de la Nouvelle-Zélande accourus pour fouiller les champs d’or de la Victoria avant que l’on eût découvert des terrains aurifères dans les montagnes de leur île. La plupart de ces représentans des races inférieures ne font qu’un court séjour, et peu d’entre eux s’établissent en Australie sans espoir de retourner dans leur pays natal. L’émigration allemande fournit au contraire des colons qui s’attachent au pays, quoique conservant les mœurs de leur mère-patrie. Sur cette terre étrangère, ils vivent en famille, se rapprochent les uns des autres et cultivent le sol avec ardeur sans se laisser entraîner par les séductions des champs aurifères. Ce sont surtout des Prussiens et des Suisses, artisans, vignerons, jardiniers, agriculteurs. D’année en année, leurs succès attirent quelques nouvelles familles; mais cette émigration n’est pas assez active pour créer une rivalité dangereuse à la race anglo-saxonne.