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religieuses dans cette partie si importante de l’ancien monde : l’étude du sanscrit a ouvert la voie, la découverte du Vêda a dévoilé les origines, et l’on a pu reconnaître dans la religion de Zoroastre une des productions les plus originales et aussi les plus grandioses de l’esprit panthéiste des Aryens.

Toutefois la littérature zende, même avec ses complémens plus modernes, est tellement bornée qu’elle ne saurait offrir à la science des religions des document comparables à ceux que l’Inde lui a fournis ou qu’elle lui promet. La somme des livres sacrés de l’Inde brahmanique formerait une bibliothèque. Quoique l’âge de beaucoup d’entre eux ne soit fixé que par approximation et flotte pour plusieurs entre des limites séparées par plus de cinq cents ans, la lumière se fait néanmoins[1], et il est déjà permis de suivre la marche des doctrines brahmaniques et de marquer les principaux momens de leur évolution. Le brahmanisme offre deux traits saillans et en quelque sorte uniques dans l’histoire des religions : il a survécu à une grande religion qu’il avait engendrée, au bouddhisme, et lui-même a subi des transformations internes qui en ont fait comme une suite de religions distinctes. De plus, comme nous l’avons dit, il paraît avoir contribué pour une part à l’éclosion et à la première évolution des idées chrétiennes, soit en Égypte, soit dans la partie orientale de l’empire romain.

La naissance du christianisme a tué le judaïsme, La dispersion des Juifs, la destruction de leur temple et celle de leur ville sainte ont moins fait pour les réduire à l’état où ils sont que la religion du Christ, née pourtant de la leur et au milieu d’eux. Au centre de l’Inde, aux plus beaux jours de la religion brahmanique, les idées métaphysiques d’une école déjà ancienne, jointes au sentiment moral très élevé d’un prince en qui se concentre le besoin public d’une restauration des mœurs, donnent naissance à une religion nouvelle, On voit se former une église (sangha) animée d’un prosélytisme ardent au sein d’une société qui n’avait point d’église et où l’on n’avait jamais tenté de convertir personne. La réforme est acclamée par le peuple, dont elle relevait la condition ; elle est accueillie par les rois, dont elle n’attaquait pas les privilèges, et acceptée par beaucoup de brahmanes à cause de la pureté de sa morale ; mais l’égalité de naissance du çûdra et du brahmane proclamée par les bouddhistes, le sacerdoce accordé indifféremment à tous les hommes, armèrent contre la religion nouvelle le parti brahmanique, conservateur des castes, et après dix siècles d’existence le bouddhisme fut chassé de l’Inde, où il n’est jamais rentré depuis.

  1. Voyez A. Weber, Histoire de la littérature indienne ».