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à don Pèdre dans le Sicilien : « Si c’est votre façon d’aimer, je vous prie de me haïr. »

Certes, s’il était une œuvre urgente et logique réclamée par l’introduction du suffrage universel dans le droit politique de la France, du suffrage universel, base de notre nouveau droit dynastique, ce serait la révision et l’abrogation de toutes nos anciennes lois qui, promulguées par des régimes antérieurs et essentiellement différens, pourraient être incompatibles avec la pratique sincère et libre de ce suffrage. Il faut de l’unité et de l’homogénéité dans la législation d’un pays. Il est évident que des lois édictées sous le premier empire et même sous le régime de 1830, procédant de principes tout opposés au suffrage universel, ne seraient point applicables aujourd’hui à l’exercice de ce mode de votation. Si de telles lois existaient, la logique prescrirait de les abolir. C’est cependant au nom d’une loi de 1810, au nom d’une loi de 1834, que l’on veut assimiler un comité électoral à une association politique prohibée. Nous ne saurions reproduire les argumens que cette grande cause a inspirés aux avocats renommés qui, l’ont plaidée avec tant de chaleur et d’autorité. Les discours de M. Berryer, de M. Dufaure, de M. Jules Favre, de M. Grévy, ont dépassé les limites d’une simple cour d’appel, et resteront dans l’histoire politique du pays. Sans rentrer dans une discussion de droit que des maîtres ont épuisée, on peut essayer encore de présenter quelques-unes des considérations politiques que ce procès suggère. On veut assimiler des comités électoraux à des associations qu’une législation ancienne a condamnées d’une façon générale, sans avoir en vue les formes accidentelles de réunion ou d’association particulière que doit produire tout mouvement électoral librement conduit. La conséquence d’un tel procédé est de laisser indécis les droits de la fonction électorale, de faire planer le doute sur ce qui est légalement permis et légalement défendu en matière de comités électoraux. Comment est-il possible, dans des élections qui mettent en mouvement des milliers de citoyens, d’organiser des comités qui ne créent point de relations suivies entre plus de vingt personnes ? Et s’il suffit que des relations pareilles aient existé entre plus de vingt personnes pour établir une association illicite, qui osera constituer des comités électoraux ou agir de concert avec ces comités en pleine sécurité de droit ? L’exercice d’un droit est paralysé et rendu impossible tant que l’incertitude est suspendue sur la limite légale de ce droit. Laisser les citoyens dans le doute sur la question de savoir si des comités électoraux pourront être confondus avec des associations défendues par la loi, c’est, par une voie à peine détournée, vouloir établir que le suffrage universel devra s’exercer en France sans le concours de comités électoraux. Une pareille prétention serait si contraire à l’esprit du droit électoral, au génie surtout du suffrage universel, que l’imagination en est confondue. Rien de semblable ne s’est jamais vu dans les pays gouvernés par le système représentatif, dans ceux surtout où ce système a le suffrage universel pour base. Ni en