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neuf sur dix. » Ainsi les règlemens de l’hôpital général de la Pitié et de l’Hôtel-Dieu de Lyon ne témoignent pas seulement de l’adoption d’orphelins enfans légitimes ; ils mentionnent dès 1667 les communautés de bâtards et de bâtardes à côté de celles des petits passans et des petites passantes (enfans légitimes abandonnés). À Paris, et c’est sur Paris que Lyon avait pris modèle, l’organisation d’un régime d’adoption pour les enfans trouvés avec le concours de l’autorité publique date de saint Vincent de Paul.

Jusqu’au règne de Louis XIV, les préoccupations officielles se sont donc portées uniquement sur les enfans légitimes délaissés par suite de la mort ou de la disparition de leurs parens ; les enfans bâtards, comme on disait alors, ne sont l’objet que d’une pitié en quelque sorte secondaire. À partir du XVIIe siècle, au contraire, tous les actes de l’autorité publique concentrent les soins principaux autour de l’enfant dont la naissance est irrégulière ou inconnue ; tandis que l’état se charge exclusivement de lui, ou que la province et plus tard le département concourent avec l’état à cette dépense, toutes recommandations sont faites pour écarter autant que possible l’enfant légitime, et l’on dit de lui ce qu’au temps de Charles V on disait au sujet des bâtards : il s’en présenterait trop grande quantité. Néanmoins le sentiment de la justice va se développant, et notre société a les entrailles plus maternelles. Elle a réalisé un dernier progrès. Sans distinction d’origine, elle ne voit que l’abandon, et, dans la limite de ses forces, adopte également l’enfant légitime et l’enfant naturel.

Pour saisir le sens des modifications introduites dans cette matière et pour apprécier les améliorations réalisées, il est donc essentiel de spécifier les catégories d’enfans qui ont été successivement et qui doivent être aujourd’hui l’objet de secours : 1° l’enfant trouvé, celui qui est exposé sur la voie publique et dont l’origine est ignorée ; 2° l’enfant abandonné, celui qui a été délaissé volontairement ou non par des parens légitimes ou non ; 3° l’orphelin que ni parens ni amis n’ont pu recueillir ; 4° enfin l’enfant pauvre dont la charité officielle assiste les parens dans les soins de la nourriture et de l’habillement.

Les seigneurs haut-justiciers devaient, a-t-on dit, depuis l’arrêt de 1452, se charger des enfans trouvés sur leur territoire. La mortalité qui les frappait à peu près tous, et qu’attestent les écrits contemporains, ne montre que trop combien ce devoir était mis en oubli. À Paris, le porche de l’église Notre-Dame était un lieu habituel d’exposition, et il y avait rue Saint-Landry une sorte de refuge où les enfans étaient déposés ; mais ceux-là mêmes devenaient la plupart du temps pour les nourrices auxquelles ils étaient confiés