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que de vertus patientes surtout n’a-t-on pas dû déployer pour obtenir un semblable résultat ! Les préjugés fâcheux, l’indifférence, le zèle outré d’une fausse philanthropie, les scrupules religieux, les embarras financiers, les difficultés légales, les hésitations administratives, il a fallu tout vaincre successivement, et chaque progrès a été le fruit du temps et de l’expérience. Aujourd’hui le service des enfans assistés, tel qu’il se pratique en France et en particulier à Paris, ne semble plus guère réclamer que des améliorations de détail. Le silence même qui se fait autour de cette question justifie la grandeur des résultats. Il y en a peu qui aient autant occupé l’opinion à certaines époques, qui aient excité de plus vives controverses. C’est là un des thèmes que l’on a le plus exploités contre les iniquités sociales et l’impuissance de la charité. Désormais, tout en continuant de rechercher les mesures les plus propres à prévenir l’abandon des enfans, personne ne croit qu’on y puisse obvier absolument et que l’assistance devienne inutile ; soustraite enfin aux discussions théoriques, au mouvement des systèmes, cette assistance se distribue discrètement, efficacement, par l’action combinée de la puissance civile et de la charité religieuse unies dans de communs efforts. C’est la même voie qu’il faut suivre pour le soulagement de toutes les autres misères sociales, et la longue et coûteuse expérience dont on vient de retracer les vicissitudes sert d’enseignement pour l’avenir. La science du bien, si l’on peut employer cette expression, s’étend ainsi de plus en plus, à mesure que reculent les horizons du domaine où elle s’exerce : pour lui assurer le concours de tous les hommes de bonne volonté, il est bon de signaler, à côté des devoirs plus grands à remplir, les heureux résultats déjà obtenus ; il est juste surtout de louer, comme l’effort le plus méritoire, celui qui se poursuit sans bruit, sans relâche, se renouvelle chaque jour, et se contente de ces résultats obscurs et lents qui ne provoquent ni les applaudissemens des partis, ni les murmures flatteurs de la popularité.


BAILLEUX DE MARISY.