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Paschasius, d’une vie impure, fourbe, avare, perfide comme ses pareils, et qui osa porter jusqu’à l’empereur Gratien, à titre de mémoire explicatif, un libelle plein d’obscénités qui lui valut d’être chassé de la présence du prince et exilé. Ces trames étaient bien ourdies, et il fallut du temps pour les rompre ; en attendant, Ursin profitait de l’imposture et créait des ennemis à son rival.

À l’opposite de l’église de Saint-Laurent, dans le quartier du mont Esquilin, le plus oriental de Rome, et non loin du marché de Livie, se trouvait une vieille basilique, construite jadis par Sicinius, et appelée de son nom Sicinine. Libère, avec l’autorisation des magistrats, s’en était emparé et l’avait consacrée aux usages du culte chrétien, ce qui fait qu’on l’appelait aussi la basilique de Libère : elle servait fréquemment de lieu de réunion pour les délibérations ecclésiastiques. C’est là qu’Ursin convoqua, le 25 octobre 366, au lever du soleil, l’assemblée de ses partisans pour faire déclarer nulle l’élection de Damase et procéder à la sienne. Cette basilique longeait la grande voie qui conduisait à Tibur. Comme on avait besoin d’un évêque pour la cérémonie projetée, on était allé chercher celui qui résidait dans cette ville, Paulus, homme d’une simplicité agreste et d’une ignorance sans égale, car il ne savait ni ce que prescrivaient les canons pour une ordination épiscopale, ni ce que voulait la tradition particulière de l’église de Rome. Amené vers Ursin pour être son consécrateur, il fut en quelque sorte gardé à vue jusqu’au moment où on ferait appel à son ministère.

Dès l’aube du jour, une masse de peuple dans laquelle on remarquait beaucoup de femmes et d’enfans s’était portée sur la basilique Sicinine, où la délibération commença au milieu du plus grand tumulte : On cassa comme illégale l’élection précédente, et probablement aussi on prononça l’indignité personnelle de l’élu : l’élection d’Ursin, qui vint ensuite, ne rencontra, comme on le pense bien, aucune difficulté. On en était là quand un bruit formidable retentit hors des portes : c’étaient les partisans de Damase, qui, informés de ce qui se passait, accouraient pour dissoudre l’assemblée. Ils étaient armés de haches, d’épées et de bâtons, et des soldats, envoyés par le préfet de la ville pour dissiper un rassemblement qui menaçait la paix publique, s’étaient joints à eux et leur prêtaient main-forte. À l’approche de cette troupe marchant en bon ordre, les ursiniens s’étaient repliés sur la basilique, où ils se barricadèrent en dedans, les autres entreprirent d’enfoncer les portes à coups de hache et de levier ; mais la défense fut si vigoureuse qu’aucun des partisans de Damase ne parvint à forcer l’entrée. Trompés dans leur attente, les assiégeans grimpèrent sur le toit, qu’ils se mirent à démolir, faisant pleuvoir à l’intérieur une grêle de poutres et de