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mal interpréter en Occident. En répondant à la lettre synodique qui le convoquait, Grégoire s’était excusé : sur une nouvelle invitation, il s’excusa derechef, prétextant les soins qu’exigeait l’affaiblissement de sa santé. Inquiet de ce refus mal déguisé, le concile réclama l’intervention.de l’empereur, et Grégoire eut à se défendre contre deux lettres très pressantes des préfets de Thrace et de Cappadoce, et contre un rescrit de Théodose lui-même : il fut inébranlable. « Pour dire toute la vérité, écrivait-il confidentiellement à un ami, je ne vais pas à Constantinople parce que je n’aime pas les assemblées d’évêques. Je n’en ai jamais vu aucune avoir bonne et heureuse fin, et le bien qu’elles se proposent de faire est dépassé de beaucoup par le mal qu’elles laissent après elles. On ne voit là que contentions opiniâtres, guerres de vanités, ardeurs de domination. Il est plus facile d’y pécher soi-même en jugeant les autres que de guérir les pervers ou de réprimer les orgueilleux. »

Le temps pressait, on oublia Grégoire de Nazianze, et le concile passa à l’examen des affaires. Sa tactique, approuvée par l’empereur, fut de couper court aux demandes des Occidentaux en décidant, à l’avance, d’une façon solennelle, irrévocable, toutes les questions de discipline dont ceux-ci évoquaient la connaissance. Les pères orientaux y mirent une précipitation manifeste, car au mois de septembre leurs délibérations étaient achevées, toutes les difficultés résolues, et au mois de décembre, lorsque la session du concile de Rome ne faisait que s’ouvrir, trois évêques arrivèrent de Constantinople avec une lettre émanée du concile lui-même, et contenant le résumé de ses décisions. Ils en apportaient une autre de Théodose en réponse au placet des évêques d’Italie. Le ton du rescrit impérial était dur et arrogant, tandis que l’épître synodique, cauteleusement rédigée, ne laissait entrevoir qu’à, travers la modération des formes un fonds d’ironie et de défi plus outrageant encore que l’injure. Le temps a épargné ce curieux document, un des plus précieux que nous possédions sur l’histoire ecclésiastique aux IVe et Ve siècles.

Les pères orientaux y débutent par de feintes excuses au sujet de leur abstention : l’épître envoyée d’Italie leur étant parvenue tard, le temps avait manqué aux évêques pour se concerter, à de si grandes distances, sur toute la surface de l’Orient ; puis c’était un bien long voyage pendant lequel il leur aurait fallu laisser leurs églises à l’abandon. Cette idée seule les en eût détournés. Quel sort en effet que celui des églises orientales ! Elles avaient depuis vingt ans subi la lapidation de saint Etienne : Dieu avait daigné faire d’elles, dans sa miséricorde, ce qu’il fait de ses élus, un objet d’épreuve et de pitié. Les édifices sacrés étaient en ruine, les catholiques disper- sés,